La presse arabe après avoir connu le printemps, en Egypte et en Tunisie notamment, va-t-elle vivre un inquiétant automne ? C'est du moins ce que l'on pourrait craindre avec la comparution, samedi dernier, au Caire, du présentateur vedette d'une chaîne de télévision privée, accusé d'avoir incité au meurtre du président Mohamed Morsi. Le journaliste, pour sa défense, a affirmé n'avoir rien fait d'autre que critiquer les Frères musulmans et l'actuel président égyptien. Pour l'inculpé et pour beaucoup d'autres, il s'agit avant tout d'un procès politique destiné à empêcher la moindre critique du pouvoir en place, la moindre voix dissonante dans l'unanimisme de façade. Une attitude qui n'a rien à envier à celle de l'ancien régime de Hosni Moubarak. Quelques jours auparavant, à Tunis cette fois, le responsable d'une télé, célèbre à travers le pays pour son émission satirique politique à l'égard du gouvernement islamiste et interprétée par des marionnettes, a été placé en détention pour outrage au chef du gouvernement. Il n'en fallait pas plus pour provoquer la mobilisation d'une partie de la société civile tunisienne contre ces prémices d'autoritarisme dont fait preuve le gouvernement islamiste. L'incarcération du patron de la chaîne Ettounsiya fait suite à une vaste opération de reprise en main des médias publics par les islamistes du parti Ennahda. Ils ont été devancés, là aussi, par leurs Frères égyptiens qui ont tout simplement décidé de «débarquer» tous les responsables des médias publics qui n'étaient pas du même bord de la confrérie, dont l'un de ses membres préside actuellement le pays. Il est vrai que cette «épuration» est pratiquement passée inaperçue devant le «coup d'éclat» du président Morsi qui a consisté à la mise à la retraite des généraux qui avaient la haute main sur les affaires de l'Egypte depuis la chute de Moubarak. Le harcèlement judiciaire des journalistes et des patrons de médias privés, qui accompagne la reprise en main des médias publics, n'est pas sans rappeler la manière de faire du pouvoir algérien qui fait preuve, en toute circonstance, d'autoritarisme manifeste en envoyant journalistes et responsables de publication devant les tribunaux, voire même en prison. Il affectionne toujours le procédé et apparemment il n'est pas près de s'en débarrasser, si l'on se réfère au nombre de procès dont la presse fait l'objet jusqu'à présent. C'est dire combien les vieux réflexes du pouvoir autocrate sont toujours présents au sein des régimes qui n'ont pas encore fait leur mue en système réellement démocratique. Un constat que conforte la réalité chez nous, à la veille de l'ouverture de la nouvelle législature, et pour preuve, le peu d'intérêt que lui accordent les Algériens, convaincus que la nouvelle Assemblée des députés, à l'instar de celles qui l'ont précédée jusqu'à présent, n'apportera pas de grands changements dans leur quotidien.