La situation du secteur du tourisme en Algérie est décortiquée dans cet entretien accordé par son premier responsable qui annonce également des projets en voie de concrétisation. Le secteur touristique accuse un retard. Quelle est la stratégie adoptée pour lui permettre de retrouver la prospérité ? Notre politique vise à replacer l'activité touristique dans sa dimension réelle, à savoir une dimension économique. Nous avons arrêté une stratégie à l'horizon 2015 parce que nous considérons que le tourisme a besoin de temps pour se développer. Il y a un enjeu sur l'aménagement du territoire parce que les projets touristiques sont structurants, un enjeu sur le plan de l'environnement car le tourisme est un vecteur de sensibilisation. Le troisième enjeu est l'insertion des projets touristiques dans l'espace des jeunes et qui permet aux gens de faire de leur potentiel une activité économique créatrice de richesses et donc de fixer les populations là où elles sont. Le tourisme participe à la création d'emplois et de richesses : c'est dans le monde la première industrie avec plus de 200 millions d'emplois. Notre stratégie repose sur quatre axes : rattraper le retard en matière d'infrastructures.Nous n'en avons pas assez par rapport aux autres pays riverains (220 000 lits au Maroc et en Tunisie aux normes internationales). Nous sommes à 81 000 lits, plus de 80% d'entre eux ne sont pas aux normes. Il y a aussi la formation. L'Etat se charge de la promotion de l'image de l'Algérie. La majorité des hôtels a besoin d'être réhabilitée. Qu'est-ce qui est prévu dans ce sens ? Nous avons entamé l'opération de classement en juillet 2005. Nous l'avons voulu en deux temps : la première avec l'installation de commissions de wilaya qui devaient s'occuper des hôtels non classés et une étoile et une commission centrale qui devait s'occuper des 2, 3, 4 et 5 étoiles. Elles ont commencé le travail préliminaire au niveau du parc existant : il est de 1004 établissements hôteliers. Il nous a démontré que plus de 80% des hôtels ne répondent pas aux normes internationales et aux textes qui réglementent cette activité. Nous avons fait une petite halte et nous nous sommes réunis avec les hôteliers le 22 novembre 2005 pour mettre au même niveau d'information les gérants et les propriétaires du dispositif de mise à niveau. Nous avons invité les institutions financières (les banques), le Fonds de garantie des crédits (FGAR) aux PME, le ministère en charge de la gestion du programme de mise à niveau (PME/PMI), le ministère de l'Industrie et les experts chargés du programme Méda. Ils ont expliqué les différents dispositifs et nous avons signé une convention avec le Crédit populaire d'Algérie (CPA) qui donnait des délais de remboursement plus lents et des taux d'intérêt plus intéressants que ceux accordés aux crédits commerciaux : il faut savoir que l'investissement touristique demande un crédit à plus ou moins long terme alors que nos banques ont des crédits qui ne sont pas adaptés à l'investissement touristique. Nous avons donné une année à ces hôteliers pour se mettre à niveau. Les projets d'investissement commencent à se multiplier. Peut-on avoir une idée sur la manière dont votre département les prend en charge ? Pour les investissements normaux, nous avons plus de 300 projets en cours de réalisation, ce qui équivaut à plus de 30 000 lits supplémentaires et 15 000 emplois directs : il y avait des problèmes de financement dans la plupart des cas, ce verrou a été levé par la signature de la convention avec le CPA et je pense que la réalisation de ces projets ira un peu plus vite s'ils émargent à ce dispositif. Il y a d'autres projets à l'arrêt (250) pour quelque chose comme 15 000 lits supplémentaires. Ils ne sont pas tous à l'arrêt pour cause de financement mais pour des problèmes techniques, administratifs ou de propriété. Nous leur avons demandé de faire en sorte que les projets reprennent. Nos directions au niveau des wilayas suivent ces opérations. Ceci dit, il y a des demandeurs d'investissements, nous avons enregistré plus de 750. Pour ceux qui veulent investir hors ZET, le problème ne se pose pas, il y a un avis technique selon la loi par le ministère du Tourisme, nous donnons des réponses favorables mais aussi nous formulons des réserves. Il y a des projets dans des ZET : nous avons fait un travail de proximité avec les investisseurs potentiels, nous avons rassemblé au niveau des régions pour expliquer le contenu des lois régissant l'activité touristique. Nous nous sommes rendus compte que toutes les demandes ne peuvent pas se traduite forcément par des projets, mais pour les projets potentiellement acceptables, il faut les compléter. Le chiffre du nombre de touristes en Algérie a été au centre d'une polémique. Certains affirment que la méthode de calcul est fausse ? On ne mesure pas tout seul. On n'a pas une méthode à nous, c'est une méthode universellement admise par l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), institution spécialisée des Nations unies. Nous travaillons avec les mêmes méthodes : toute entrée aux frontières est considérée comme touriste que se soit pour affaires, assister à un congrès, pour une cure, tourisme culturel ou visite familiale. A ce titre, je pense que le programme complémentaire de soutien à la croissance économique va générer beaucoup de tourisme d'affaires et celui qui vient pour faire des affaires à envie de faire connaître l'endroit à ses enfants, à sa famille et à ses amis, et c'est un prélude au développement d'autres formes de tourisme. Depuis 2000, nous enregistrons une progression annuelle de 18% en ce qui concerne l'entrée des étrangers et de 10% en termes d'entrée globale. Peut-on connaître les dernières statistiques ? En 2005, l'Algérie a reçu 1 443 000 touristes, par rapport à 1 238 000 touristes en 2004, c'est une progression de plus de 15%. A la fin 2005, le nombre de touristes a atteint un peu plus de 440 000 étrangers, ce qui représente un peu plus de 30% du total et plus de 1 million d'Algériens résidant à l'étranger. Les motifs de visite sont différents : 73% des touristes étrangers pour la détente et le loisir, 24% pour des motifs d'affaires et 2,16% en mission. Les pays de provenance sont la France (34%) et la Tunisie (29%). Le tourisme balnéaire et saharien sont deux produits différents. Quel est le choix de l'Algérie ? Le balnéaire représente 80% des touristes dans le monde, mais c'est un tourisme réservé au plus grand nombre. Par contre, pour ce qui est du Sud, c'est une clientèle avertie pour une certaine catégorie de gens d'un haut niveau social et culturel qui y vont pour le dépaysement ou l'aventure. Le tourisme saharien reste pour nous un tourisme haut de gamme et d'appel. Le balnéaire est aussi à développer. Nous avons d'autres produits, nous sommes dans le bassin méditerranéen, nous avons des produits éthiques et authentiques : le Sud est unique, le Tassili est classé comme patrimoine mondial et réserve de la biosphère, nous avons le thermalisme avec plus de 200 sources, il y a seulement une dizaine qui est exploitée, une cinquantaine qui fonctionne d'une manière archaïque et le reste n'est pas exploité. Concernant la participation algérienne dans les Salons internationaux, cette année, vous avez enlevé certaines destinations et insisté sur d'autres, comment peut-on en mesurer l'impact ? Nous avons revu le programme de participation et ciblé les pays potentiellement émetteurs vers l'Algérie : l'Italie, la France, la Hollande, l'Espagne, l'Allemagne et Dubaï, parce que nous devons intéresser un certain nombre de touristes et d'investisseurs. A mi-saison de la saison touristique du Sud (janvier), au niveau de Tamanrasset, nous avons enregistré 45% d'évolution par rapport à l'année d'avant en termes de nombre de touristes. Il y a des tours opérateurs étrangers qui s'intéressent à la destination Algérie et qui organisent des charters directement des villes européennes vers le Sud algérien. Nous avons participé au salon du futur de Madrid, au salon d'Utrecht (Pays-Bas), au salon BIT de Milan et nous allons être présent à Berlin, à Marseille et à Paris. Le Sitev prend de plus en plus d'ampleur. Qu'en est-il cette année en termes de participation ? Le Sitev est programmé du 15 au 19 mai. L'Algérie a été choisie pour abriter une rencontre de l'OMT en marge du Sitev qui traitera d'un sujet très important relatif au tourisme en Afrique. Il s'agit en fait d'un séminaire-atelier sur la création et le renforcement de systèmes compétitifs orientés vers la qualité pour le tourisme africain (16 mai). Nous venons de commencer l'opération et nous sommes en phase d'envoi d'invitations. Des éductours seront-ils organisés ? Pensez-vous que c'est la meilleure méthode d'inciter les touristes à venir ? L'année passée, l'impact de l'éductour organisé par un opérateur au profit de la chaîne de télévision Voyage a été très positif puisque cette chaîne spécialisée a fait un travail correct et cela a permis aux responsables du secteur d'intervenir, de faire un appel aux investisseurs et aux touristes, ce genre d'opération est bénéfique pour le pays. Nous allons continuer à organiser des éductours mais avec beaucoup plus de ciblage. Ce qui est visé à travers cette stratégie : d'abord l'Algérien résident qui doit avoir la possibilité de choisir entre rester chez lui ou partir à l'étranger et les compatriotes qui vivent à l'étranger. L'élévation du niveau de vie des Algériens fait qu'il y a une demande importante (cela représente 2 millions de clients potentiels) et ceux qui s'intéressent à la destination Algérie.