En collaboration avec l'université d'Alger, le Mouvement féminin de solidarité avec la femme rurale a organisé, jeudi dernier à la Faculté centrale, une rencontre autour des « valeurs de la tolérance dans la pensée arabo-islamique ». L'amphithéâtre Benbaâtouche n'a pu contenir le flot des étudiants, venus écouter le penseur irakien Abdel Hussein Chaâbane, cheikh Bouamrane, président du Conseil supérieur islamique, monseigneur Henri Teissier, archevêque d'Alger, Larbi Ould Khelifa, président du Conseil supérieur de la langue arabe, Bouabdellah Ghlamallah, ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, ainsi que Abdelaziz Belkhadem, ministre d'Etat, en guest-star, spécialement applaudi par les étudiants. Les ambassadeurs canadien, sud-africain, italien, allemand, sahraoui, irakien, palestinien, entre autres, ont été également les hôtes de la maîtresse de cérémonie, Saïda Benhabylès, présidente du Mouvement féminin de solidarité avec la femme rurale, qui a ouvert la rencontre, placée sous le haut patronage du chef de l'Etat, avec un hommage à « Son Excellence le président Abdelaziz Bouteflika et à sa conduite éclairée des affaires ». « C'est de bon augure que cette rencontre se déroule au lendemain de la création du Conseil des droits de l'homme qui dépend de l'Assemblée générale de l'ONU et non du Conseil de sécurité », a déclaré M. Belkhadem, invité à prendre la parole. « Nous ne partageons pas toutes les valeurs avec les autres, par exemple le mariage homosexuel ne fait pas partie de nos valeurs », a-t-il asséné. Il s'est demandé pourquoi prospecter dans l'Islam les valeurs de tolérance, alors que la croyance en les autres religions monothéistes est déjà une obligation religieuse. Il a rapporté sa réponse à des parlementaires européens, il y a quelques années, qui lui parlaient de l'intolérance en Islam : « Mon père s'appelle Aïssa, mon fils Zakaria, et j'ai dans ma famille Maryam, Daoud, Moussa, pouvez-vous en dire autant ? » « Le fanatisme n'est pas religieux, mais social, né de l'arrogance ou de la frustration », a soutenu le ministre des Affaires religieuses, regrettant les réactions « parfois violentes » qu'a connues le monde musulman suite à la publication des caricatures du Prophète Mohamed. « Fuir vers l'histoire n'est pas une solution », a averti le penseur irakien Abdel Hussein Chaâbane, qui a fustigé certains exégètes musulmans, qui « préfèrent s'attarder sur le licite et l'illicite, l'ablution après les menstrues, et s'interdisent de parler de justice, de terrorisme, de l'occupation, de l'exploitation des peuples, du détournement des biens publics ». « Pourquoi attaquer les chrétiens et les églises après l'affaire des caricatures ? Pourquoi répondre à l'islamophobie par une idéologisation de l'Islam ? », s'est demandé le chercheur, qui a appelé à réviser l'héritage islamique et ses penseurs du Prophète Mohamed à Djamel Eddine El Afghani. « Il faut arriver, comme c'est le cas en Occident, à imposer moralement et juridiquement le respect de l'autre », a-t-il lancé, liant la tolérance à la relativité de la vérité, à la modération, idées phares d'Ibn Rochd, d'Ibn Sina, d'Echafiî, etc. « Les religions sont intervenues pour justifier la fin du monde et ne devraient pas influer sur le politique », a-t-il indiqué, rapportant la thèse du penseur libanais Farah Antoine. « Il ne faut pas tomber dans une forme d'occidentophobie : il y a l'Occident politique, mais il y a aussi l'Occident culturel qui a été contre la guerre en Irak », a conclu l'universitaire irakien, rejoint par cheikh Bouaâmrane, président du Conseil supérieur islamique, qui a regretté que « l'Occident ne nous connaît que mal ». « La question de la tolérance se pose dans toutes les sociétés », intervenait Henri Teissier, rappelant le refus de certains catholiques du principe de dialogue interreligieux et même interchrétiens.