Constituant islamiste, Habib Khedher, rapporteur général de la Constitution, a soumis à l'Assemblée un calendrier proposant des élections pour le 8 septembre 2013. Comment justifie-t-il cette date et quelles sont les réactions de l'opposition ? Ce n'est, certes, pas la première fois que le bureau de l'Assemblée nationale constituante (ANC) discute d'un calendrier pour les prochaines échéances électorales. En mai dernier, le président de l'ANC, Mustapha Ben Jaâfar, a proposé en séance plénière les dates du 23 octobre 2012 pour la présentation de la première lecture de la Constitution et mars 2013 pour la tenue des élections. Avant lui, en mars dernier, alors qu'il était en visite à Berlin, le chef du gouvernement, Hamadi Jebali, avait annoncé la date de mars 2013 pour la tenue de ces élections. Depuis, Jebali n'a cessé de confirmer cette date à maintes reprises dans des interviews locales et avec des médias étrangers. Le chef du gouvernement a fait son premier revirement début août, en affirmant lors d'une interview télévisée avec les chaînes Al Watania 1, Nessma et Hannibal, que «le respect de l'échéance des prochaines élections, prévues pour mars 2013, demeure tributaire de l'état d'avancement des travaux de l'ANC et du parachèvement de la rédaction de la nouvelle Constitution». Monde politique, société civile et observateurs avaient alors compris que c'en était fini avec ce rendez-vous de mars 2013, surtout que les travaux des commissions constitutionnelles flottent et que même l'administration des élections n'est pas encore formée. Ainsi donc, après moult promesses creuses sans calendrier, une véritable feuille de route a été proposée par Habib Khedher, avec cette nouvelle date du 8 septembre et même une date pour un éventuel référendum, le 1er mai, si jamais le projet de Constitution n'était pas adopté par les deux tiers, tel que prévu par l'organisation provisoire des pouvoirs. Le calendrier proposé par Ennahda s'étale sur une année, soit la même durée prévue pour l'écriture et l'adoption de la Constitution par le décret-loi n° 1086 du 3 août 2011, appelant aux élections du 23 octobre 2011. Or, cela fait déjà plus de dix mois que les élus de la Constituante sont à l'Assemblée. «C'est comme si l'on allait commencer aujourd'hui», s'est indigné Samir Taïeb, constituant appartenant à la formation Al Massar et faisant partie du bloc de l'opposition. Que dit ce calendrier ? Le calendrier propose de poursuivre les travaux des commissions jusqu'au 29 septembre, de les réajuster au niveau de la commission de rédaction du 1er au 5 octobre et de faire une consultation nationale sur le projet entre le 7 octobre et le 6 novembre. Un nouvel examen du projet par la commission de rédaction va se faire entre le 8 et le 17 novembre, avant qu'il ne passe au vote (article par article) durant une période de trois mois, du 3 décembre 2012 au 28 février 2013. Le mois de mars 2013 est consacré au vote de l'ensemble du texte de la Constitution. La date du 1er mai est proposée pour un éventuel référendum, alors que celle du 8 septembre est prévue pour les échéances électorales. Le rapporteur de la Constitution, Habib Khedher, pense que «c'est une date raisonnable, permettant de débattre convenablement d'un projet aussi important que la Constitution». Pour sa part, le président de l'ANC, Mustapha Ben Jaâfar, a admis le fait que «le brouillon de la Constitution ne sera fin prêt qu'entre mi et fin octobre prochain». Il a précisé qu'ensuite, l'ANC passera à la discussion des articles un par un. Evoquant la possibilité du recours au référendum, M. Ben Jaâfar a affirmé que «le référendum est réellement positif, car on relève l'avis du peuple», ajoutant sur un ton ironique : «Pourquoi perçoit-on le référendum comme étant une punition ou sanction ? Bien au contraire, c'est très symbolique, car on y donne la parole au peuple. Et puis, conformément à la mini-Constitution, le référendum peut devenir une nécessité si on n'arrive pas au consensus.» Cet optimisme n'est pas partagé par l'opposition. «Il est clair que les islamistes désirent prolonger l'attente jusqu'à l'après-Ramadhan 2013, qui coïncidera avec le mois juillet 2013, pour transformer les mosquées en tribunes durant le mois saint», a indiqué Mahmoud Baroudi, député du bloc démocratique. Fathi Letayef, du Parti ouvrier tunisien (ex-communiste), n'a pas mâché ses mots. «Le calendrier présenté est une insulte pour le peuple qui a investi sa confiance dans les élus pour un an et pas plus pour le sortir de cette misère et cette anarchie dans lesquelles se trouve la Tunisie», a-t-il dit. Fathi Letayef a même proposé un contre-calendrier ne dépassant pas l'échéance du 14 janvier 2013 pour les élections. «L'Assemblée peut finaliser le projet de Constitution en trois semaines au niveau des commissions et en deux autres semaines au niveau de la commission de rédaction. La discussion et l'adoption au niveau de la plénière se feront dans la dizaine de jours qui suit, avant d'adopter la Constitution le 23 octobre 2012, si la volonté de consensus y est», a-t-il souligné. «Sur cette base, on peut passer aux urnes le 14 janvier 2013, en commémoration du 2e anniversaire de la révolution», a-t-il conclu. Il est donc clair que les avis sont divisés sur cette Constitution et, comme l'a dit le professeur Yadh Ben Achour, «il s'agit de trouver un consensus viable, car il s'agit d'une Constitution censée éclairer la Tunisie durant plusieurs décennies. Encore faut-il trouver la bonne formule.»