Un nouveau gouvernement confié à Abdelmalek Sellal vient d'être installé avec la certitude de ne durer dans le meilleur des cas que quelques mois, l'élection présidentielle devant déboucher sur la formation d'un autre gouvernement étant prévue en mai 2014. Relancer comme promis la machine économique, et notamment le secteur industriel dans un délai aussi court n'est évidemment pas réaliste, surtout quand on connaît la nature des contraintes qui les affectent depuis le revirement spectaculaire de la politique économique subitement opérée en juillet 2009 par le président Bouteflika. Le subit retour au contrat social des années 70 au moment où les réformes économiques commençaient à donner les premiers fruits a effectivement surpris les opérateurs économiques algériens ainsi que nos partenaires étrangers, contraints du jour au lendemain de revoir leurs manières de gérer, leurs objectifs managériaux et souvent même d'abandonner des projets auxquels ils avaient consacré beaucoup de temps et d'argent. L'instauration par la loi de finance complémentaire pour l'année 2009 du crédit documentaire comme unique moyen de paiement des importations, de la règle des 49/51 pour les investissements directs étrangers et l'arrêt du processus de privatisation ont à l'évidence produit l'effet du grain de sable dans les rouages de la machine économique. Avec le Credoc, les entreprises ont au minimum perdu le temps nécessaire à l'adaptation à ce mode de paiement que le gouvernement a érigé pour on ne sait quel raison en moyen de régulation destiné à réduire le volume des importations. Le temps a démontré l'inefficacité du Credoc qui ne parviendra pas à freiner l'essor des importations qui, bien au contraire, pulvériseront tous les records, les seules gagnantes étant les banques étrangères qui ont engrangé de gros bénéfices. En dépit de l'échec patent de cette mesure qui a entraîné la fermeture d'environ 30 000 entreprises, le gouvernement Ouyahia s'est entêté à la maintenir. Il ne concédera le droit de passer outre la formule du Credoc qu'aux producteurs menacés d'asphyxie. La règle du 49/51 qui doit désormais régir les investissements directs étrangers a, quant à elle, réfréné les ardeurs des investisseurs étrangers pas du tout emballés à l'idée d'investir dans un projet où ils ne sont pas sûrs de détenir le pouvoir de décision. Le plus grave est que cette mesure restrictive est arrivée au moment où plus d'une centaine de projets de partenariat avec des firmes internationales étaient déposés au niveau du CPE et du CNI pour obtenir les autorisations requises. Perte de temps et d'argent ! Tous ces projets qui avaient occupé durant plusieurs années les SGP et les entrepreneurs concernés sont subitement tombés en désuétude. L'Algérie a ainsi inutilement perdu plus d'une vingtaine de milliards de dollars d'investissement avec tout ce que cela suppose en termes de pertes d'emplois et de richesses. L'arrêt du processus de privatisation qui avait été décidé en même temps qu'un vaste programme d'assainissements financiers au bénéfice d'entreprises publiques moribondes, répondait à une volonté du président Bouteflika de revenir aux années des sociétés nationales qu'il considère comme l'âge d'or de l'économie algérienne. Une vision étriquée qui ne correspond ni à la réalité, ni aux exigences de la mondialisation mais qui fera perdre là aussi beaucoup de temps et d'argent au pays. L'arrêt des privatisations privera l'Etat non seulement des recettes de ventes d'actifs publics, mais aussi et surtout du désengagement salutaire de la gestion d'une pléthore d'entreprises budgétivores qui lui ont déjà coûté pas moins de 20 milliards de dollars en assainissements et recapitalisations de 1992 à ce jour. On voit donc que le Premier ministre n'a pas les coudées franches pour effectuer les ajustements souhaités et, encore moins, pour impulser une nouvelle dynamique à une économie plombée par la législation de 2009 personnellement imposée par le président de la république qui avait affirmé publiquement s'être trompé de politique économique. Pour ce faire, il faudrait qu'il démantèle tout le dispositif institutionnel et juridique imposé par le chef de l'Etat au moyen des lois de finances promulguées au cours de l'année 2009 et des années suivantes. Mais, on voit très mal l'actuel Premier ministre aller à l'encontre de celui qui l'a promu à ce poste et qui exige en retour d'être obéi et bien servi. C'est sans doute ce qui explique le peu d'empressement du chef de l'exécutif gouvernemental et de son ministre de l'Industrie à promettre au président du Forum des chefs d'entreprises qui l'avait expressément sollicité à cet effet des changements dans les domaines précis du Credoc, de la règle du 49/51 et de la privatisation, dont ces hauts responsables du gouvernement n'ignorent pourtant pas la nécessité, voire même l'urgence pour sauver une économie qui agonise.