L'inflation lamine le pouvoir d'achat des ménages. Le rythme de celle-ci, ayant atteint un taux record de 7,29% au mois de juin dernier, préoccupe les pouvoirs publics dans la mesure où la hausse des prix a fini par annuler l'effet des augmentations de salaires récemment consenties. C'est d'ailleurs le propos de l'intervention du président de la République, lundi dernier au cours du Conseil des ministres, qui a enjoint au gouvernement «de veiller à contenir l'inflation à des niveaux tolérables par le biais d'instruments de politiques monétaire et budgétaire en phase avec une croissance de la production», assénant ainsi un camouflet au premier responsable de la Banque d'Algérie (BA) qui avait indiqué, la semaine dernière, qu'il fallait chercher les raisons de la persistance de l'inflation dans la spéculation sur les marchés intérieurs. Si la Banque d'Algérie persiste et signe, défendant sa position d'avis d'expert, l'on estime que cette dernière est la première responsable du contrôle de l'inflation, encore faut-il qu'elle dispose de la marge de manœuvre nécessaire pour la mise en œuvre d'une politique monétaire adéquate. Quoi qu'il en soit, l'augmentation de l'indice des prix à la consommation était encore hier sujette à divers commentaires. Djamel Benbelkacem a eu, encore une fois, à expliquer certains facteurs endogènes à l'accélération du rythme d'inflation, expliquant que dans la mesure où l'indice des prix sur les marchés internationaux enregistre une baisse dans une situation de décélération budgétaire, il ne reste que la déstructuration du marché et la croissance immodérée de la monnaie fiduciaire, du fait de la prédominance de l'informel pour justifier la hausse des prix. Il prend à témoin la hausse effrénée des prix des produits alimentaires frais. M. Benbelkacem a expliqué, dans ce sens, que la Banque d'Algérie n'est pas responsable de la régulation du marché. Ce qui est certes vrai, mais elle reste la dépositaire de la politique monétaire. De l'avis de l'économiste M'hamed Hamidouche, il revient à la Banque d'Algérie d'user d'instruments monétaristes seuls à même de juguler l'inflation de manière efficace. L'économiste estime qu'il était de notoriété publique que les pouvoirs publics s'apprêtaient à injecter dans le circuit financier beaucoup d'argent, du fait des augmentations de salaires et du versement des rappels au titre des régimes indemnitaires. La BA aurait donc dû anticiper cette arrivée massive de masse monétaire sur le circuit et de mettre en place l'«open market» soit l'augmentation des taux d'escompte ou taux directeurs. Une telle mesure, explique M. Hamidouche, conduirait à une augmentation de l'épargne et, par ricochet, à la réduction de la masse monétaire sur le circuit. Or, la Banque d'Algérie n'a fait qu'augmenter le taux de réserves obligatoires des banques qui est passé de 9 à 11%, ce qui permet, certes, de réduire la pression, mais demeure insuffisant pour rétablir les équilibres, d'autant plus que les taux d'intérêt actuels découragent l'épargne, d'où l'accélération de l'inflation. Dans ce cercle vicieux, la BA semble piégée, vu qu'elle ne dispose pas de marge de manœuvre ; elle ne peut toucher à ses taux directeurs pour deux raisons. Un relèvement des taux d'escompte conduirait à une appréciation de la monnaie allant à l'encontre d'une dépréciation qui servirait la réduction des importations. L'autre raison réside dans la conduite de la politique économique en elle-même, orientée vers l'encouragement de l'investissement et non vers l'épargne. Au-delà du fait que la Banque d'Algérie demeure dépendante d'organes statistiques, comme l'ONS, pour les constats de chiffres, M. Hamidouche plaide pour le renforcement des prérogatives du gouverneur afin d'asseoir l'autonomie de la Banque d'Algérie. Ce qui revient à dire que sans autonomie effective, il ne peut y avoir de politique monétaire efficiente.