Elle se nomme Myriama. Tout court. Elle est née en Lorraine (France), mais est d'origine marocaine. Son livre Mots de gazelles. Pour lever le voile des tabous n'a rien de commun. Non pas parce qu'elle dit que « les maux avec des mots, quitte à déplaire à ceux qui se sentiront concernés », mais parce qu'elle le fait d'une façon bien particulière. Car il ne s'agit là ni d'un roman ni d'une biographie - quoiqu'il en contient des éléments - et encore moins d'un ouvrage sociologique. Cette jeune femme de 33 ans a choisi de le présenter sous la forme d'un petit recueil, illustré de dessins de Samiha Driss, où différents thèmes sont abordés par des phrases pour le moins intelligentes et percutantes de sens. La famille, le mariage, le machisme, la condition de la femme, la féminité, les mariages arrangés, la mère, le père... chaque aspect est abordé à part, avec de petites phrases ou des paragraphes « explicatifs ». « La famille : estimons-nous heureuses car nous sommes sous la tutelle de nos parents, puis de nos époux, ça ne fait que trois personnes ; sous la tutelle de l'Etat, ça doit être l'enfer ! Toutes ces personnes qui n'arrivent même pas à se mettre d'accord ! » Cet exemple illustre très bien l'objectif de l'auteur, à savoir celui de peindre l'image de la femme maghrébine parfois autrement plus représentative par l'humour et le sarcasme, du moins à défaut de se révolter autrement. L'humour et le sarcasme n'en font pas pour autant un recueil d'histoires drôles, bien que de nombreuses phrases soient franchement comiques. Ce livre est tout ce qu'il y a de plus sérieux, il a été écrit parce que « les mentalités cimentées doivent voler en éclats afin que les gazelles volent de leurs propres ailes », comme le précise Myriama dans le préambule. Pour elle - et il serait difficile de la contredire sur ce point - « les maghrébines sont bilingues dès leur plus tendre enfance : un langage pour la maison (soumise) et un pour la rue (défensive) ». Et à défaut de dévoiler toutes les pages de ce livre, il serait difficile de résister à l'envie d'en rapporter les plus percutantes. C'est ainsi que pour la mère, Myriama écrit : « chez nous, lorsqu'on voit une maman qui a 6 filles, on s'imagine tout de suite qu'elle a essayé (au moins 5 fois) d'avoir un garçon. » Pour le mariage : « une belle fille attend son mariage pour devenir une belle-fille. Tant d'efforts pour ne gagner qu'un trait d'union. » Au rayon filles et garçons : « Chez nous, les tabous sont un moyen de faire taire les femmes qui ont tant de choses à dire, tout en donnant l'occasion aux hommes de dire quelque chose de profond : ‘tais-toi !'' » Et pour terminer, concernant le machisme : « les femmes sont bridées parce qu'elles seraient trop bavardes si elles avaient la totale liberté d'expression. Certains messieurs auraient-ils peur d'entendre la vérité, dite avec intelligence et avec une jolie voix ? ». Mots de gazelles. Pour lever le voile des tabous, par Myriama. Dessins de Samiha Driss Editions Horay