Ce fléau n'est pas l'apanage de cette région, il en est qui en sont percluses. Pour les guichets bondés à craquer de l'état civil, la délivrance d'un extrait de naissance ou d'une fiche familiale est devenue un calvaire pour les citoyens. Il suffit, pourtant, d'un billet de 1000 DA remis à des marginaux postés à proximité des guichets pour que le demandeur soit servi à l'oeil. Comment font-ils pour agir avec une telle facilité là où tout le monde échoue? Des chirurgiens qui gagnent un salaire peu ou prou décent, orientent leurs patients vers des cliniques privées et empochent pour chaque opération faite dans un cadre semi-légal 60 000 DA à 80 000 DA. L'enseignant des deux paliers supérieurs demande à ses propres élèves de suivre ses cours particuliers à raison de 1000 DA la «tête». Des hangars, des logis de fortune et des immeubles mal famés servent de salles de cours pour ces adolescents qui, parfois, fuguent à partir de ces lieux à haut risque. A l'université, les étudiantes subissent le pire. L'évaluation pédagogique va de pair avec le degré d'intimité avec l'enseignant. Voici le témoignage d'un cadre communal: «Nous avons trois élus qui ont institutionnalisé la corruption au sein de la commune. Pour la création des parkings, la délivrance des documents de l'état civil, l'assainissement d'une situation du foncier...tout le monde discute argent». Il y a à peine une année, un employé des impôts a été pris en flagrant délit de corruption. Ses collègues en parlent timidement par analogie au proverbe du terroir mettant à l'épreuve le dromadaire (une bosse) et le chameau (deux bosses). L'un de ses amis nous a fait la confidence suivante: «Un avocat se faisant passer pour l'ami de hauts magistrats, a pris attache avec des intimes pour leur demander une somme colossal d'argent en contrepartie de sa libération ». Il cite en exemple l'auteur d'un crime crapuleux qui aurait eu vent du verdict avant qu'il ne soit prononcé par le juge siégeant à la cour de Guelma. «Une troupe de Aïssaoua attendait à la sortie de la cour l'auteur de l'homicide». Dans le secteur du bâtiment, aucun remède n'a été trouvé aux malfaçons des nouvelles bâtisses et c'est encore les habitants des nouvelles cités attribuées l'été passé qui viennent de monter au créneau pour demander l'ouverture d'une enquête s'agissant de l'arnaque dont ils ont fait l'objet. Des effritements, des fissures et des murs sclérosés plaident en faveur d'une patte graissée avec abondance de la part des entrepreneurs. Les affaires de détournement de deniers publics et de vol sont traitées à la tête du client et son parfois synonymes de «bons de commandes» à qui de droit. A Souk Ahras l'impunité suscite arrogance et prétention chez ceux qui font fi des lois. Lors de sa première sortie, le ministre de la Justice garde des Sceaux n'a pas dissimulé son émotion quant à la corruption qui gangrène son propre secteur. A Souk Ahras et probablement ailleurs, tout scandale financier aboutit irrémédiablement vers un scandale judiciaire. Voir les affaires de l'OPGI, l'OPOW Badji Mokhtar, les couffins de Ramadhan et bien d'autres.