Introduit dans le système éducatif en 1995, au lendemain de la grève du cartable, l'enseignement de la langue Tamazight est, hélas, en continuel recul. Le constat dressé, chaque année, par le Haut Commissariat à l'Amazighité et les enseignants est amer tant la gestion de ce dossier par les pouvoirs publics reste insatisfaisante. Présent dans 16 wilayas en 1999, l'enseignement de Tamazight ne concerne que 10 wilayas de nos jours. Ainsi, plus de 90% des apprenants et des encadreurs sont issus des wilayas de Tizi Ouzou, Bouira et Bejaia uniquement selon les statistiques fournies par HCA. La même source a précisé, aussi, que le nombre d'élèves est passé de 37700 en 1995 à 213.075 apprenants en 2011. C'est le résultat de 17 ans de gestion approximative de ce dossier. Afin de sauver cette langue qui est « menacée d'extinction dans de nombreuses wilayas», selon les propos du M. Youcef Merahi, secrétaire général du HCA, il faudra impérativement que l'Etat prenne en charge la revendication cruciale qui reste «l'officialisation de cette langue et la création d'une académie ». Une institution susceptible, selon le directeur de la promotion culturelle au sein du HCA, Hachemi Assad, s'exprimant, récemment, au cours d'une journée d'étude à El Bayad « de constituer, à l'avenir un espace pour l'examen des changements linguistiques et la préservation du patrimoine linguistique amazighe ». Partageant cet avis, les enseignants de Tizi Ouzou, par la voix de leur représentant, M. Arkoub, vice-président de l'association des enseignants de Tamazigh, affirme : «Cette institution s'érigera en autorité scientifique, à travers laquelle les problèmes pédagogiques qui empêchent l'essor du tamazight, trouveront des solutions ». Ceci, pour la simple raison, poursuit M. Arkoub, que «l'enseignement du Tamazight se fait dans l'anarchie ». Ce militant a formulé, également, d'autres requêtes, telles que «l'introduction de l'enseignement de tamazight à partir de la 3ème année primaire comme toutes les autres langues, augmenter son coefficient, son volume horaire et imposer le tamazight aux classes scientifiques pour contribuer à l'intéressement des élèves à cette langue ». Notre interlocuteur désigne du doigt «la conception inadéquate des manuels scolaires et les sujets d'examens qui ne comportent pas une graphie unique ». A ce titre, le nouveau manuel en Tamazight de la 4ème année primaire reste loin de satisfaire les attentes des enseignants. Alors, les manuels scolaires de la langue amazighe sont-ils conformes aux normes pédagogiques et à la langue tamazight? M. Arkoub qui évalue le nouveau manuel dira : «Pour l'aspect culturel et littéraire on peut constater qu'un effort a été fait pour améliorer le contenu qui renferme des textes prenant compte des symboles de la révolution telle que Abane Ramdane, de la littérature comme Mouloud Feraoun. Toutefois, il reste le problème de la graphie qui reste éminemment politique ». M. H. A. Mansouri, auteur et enseignant de Tamazight a estimé, lors d'une conférence sous le thème « Le manuel scolaire de la langue amazigh : caractéristiques, objectifs et perspectives», animée à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, en avril dernier, qu'« un manuel doit répondre à la nature de cette langue maternelle. Il doit comprendre la culture qu'elle véhicule, car, on ne peut pas adapter, pour l'enseignement de tamazight, les manuels existants en langue arabe et en langue française. 85 % des textes dans les manuels scolaires de tamazight sont, soit créés ou traduits ». Plus loin, ce spécialiste s'interroge : « Est-ce à dire que tamazight n'a pas de littérature ? » Pour cet auteur, « les concepteurs ont favorisé la typologie du texte et la structure au détriment du contenu qui est vide et froid du fait que cela ne véhicule pas la culture amazigh». Cette somme d'avis et de constats émanant des spécialistes et des acteurs sur le terrain, trouvera-t-elle une oreille attentive auprès des pouvoirs publics ? C'est tout le mal qu'on souhaite à une langue qui n'a que trop souffert des atermoiements de la décision politique en Algérie.