Contrairement aux images montrées par la télévision marocaine sur le “chaleureux accueil” réservé au souverain alaouite à Al-Ayoune, la réalité était tout autre dans plusieurs quartiers de la ville bouclés par les services de sécurité de Sa Majesté. En dépit de la présence massive de soldats et policiers marocains, dépêchés spécialement à l'occasion de la venue du roi Mohammed VI, les populations sahraouies ont manifesté en signe de protestation contre cette visite. Comme il fallait s'y attendre, une brutale répression s'est abattue sur ceux qui sont sortis dans les rues pour montrer leur opposition à cette initiative. Ainsi, au moins 10 femmes sahraouies ont été blessées et 11 domiciles sahraouis saccagés dans la ville de Smara occupée, lors des manifestations organisées par les Sahraouis, selon l'agence de presse de la République arabe sahraouie démocratique SPS. Cette source indique que “les forces coloniales marocaines ont immédiatement réprimé les manifestants qui réclamaient également le retrait immédiat de l'occupation marocaine et le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination et à l'indépendance”. Une citoyenne sahraouie a “été arrêtée et sauvagement torturée par les forces d'occupation”, rapporte également SPS. Des manifestations dans les quartiers populaires d'Al-Ayoune avaient accueilli, la veille, le roi du Maroc Mohammed VI. “Au moins trois des quartiers de la capitale sahraouie occupée se sont élevés contre cette visite, parmi lesquels le fameux quartier Mattala ou quartier de l'Intifada”, a affirmé une source sahraouie. Celle-ci ajoute que “les autorités coloniales ont immédiatement réprimé les manifestations et procédé à l'arrestation de l'ex-prisonnier politique et président du comité de défense des droits des prisonniers de la Carcel Negra, Salek Bazeid, ainsi que plusieurs autres personnes qui n'ont pas encore été identifiées”. À Boujdour, la ville sahraouie où doit également se rendre le souverain chérifien, les étudiants et les élèves des collèges et lycées de la ville ont manifesté, lundi, dans les rues, leur réprobation de la visite de Mohammed VI dans leur pays, arborant les couleurs nationales sahraouies et scandant des slogans en faveur de l'indépendance du Sahara occidental avant d'être dispersés par les forces marocaines. Le gouvernement sahraoui a averti sur les “conséquences dangereuses” pour la paix et la sécurité dans la région, qui peuvent découler de cette visite. “Si, par le passé, le peuple sahraoui a clairement démontré sa volonté réelle d'une solution politique, basée sur son droit légitime à l'autodétermination, a respecté à la lettre les résolutions du Conseil de sécurité et de l'ONU et a fait tant de concessions pour l'avènement de la paix et de la sécurité dans la région, il n'en demeure pas moins qu'il ne restera pas les mains liées et saura comment réagir à cette provocation et à cette nouvelle agression”, a déclaré le ministre sahraoui de l'Information, M. Sid Ahmed Batal. Par ailleurs, le gouvernement sahraoui a émis “des doutes sur ce que Rabat appelle les projets de développement dans le territoire”, et a souligné que “tout au contraire, le Maroc n'a apporté que la destruction, le pillage des richesses naturelles, les mines, les remparts militaires, la dépravation des murs, la perversion et les drogues”. Il a surtout appelé les Nations unies “à protéger les citoyens sahraouis contre la répression qu'exercent contre eux les forces coloniales marocaines” et à “garantir leurs libertés fondamentales en attendant la décolonisation de leur pays à travers un référendum libre et démocratique, étant une tâche assignée à l'ONU et pour laquelle la Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental (Minurso) se trouve dans le territoire”. Malgré toute cette hostilité à sa présence dans les territoires sahraouis, Mohammed VI s'apprête à rendre public, samedi prochain, au terme de sa visite, le projet d'autonomie qu'il envisage “d'accorder” aux Sahraouis. Celui-ci sera soumis au Conseil de sécurité de l'ONU le mois prochain. Selon les informations en provenance de Rabat, deux propositions ont été soumises au roi par les partis politiques. Pour le Parti de la justice et de la démocratie allié aux Force citoyennes, une autonomie des provinces du Sud suppose la constitution de parlements et de gouvernements régionaux. L'Etat central aura à déléguer certaines de ses attributions. L'intégrité territoriale, la défense nationale, l'unité monétaire et la représentation diplomatique doivent rester de la compétence de l'Etat central. Quant aux principales formations (PI, USFP et PPS), elles soumettraient au souverain une proposition qui tournerait autour de la délégation de larges prérogatives aux provinces du Sud. Mais ce transfert doit concerner les organes déjà existants au Sahara, à savoir les conseils de la région provinciaux. Une chose est sûre, le projet d'autonomie suppose, dans tous les cas, un redécoupage régional, basé sur de nouveaux critères liés au développement économique. Certaines formations politiques vont jusqu'à proposer que ce projet soit élargi aux régions du Nord pour tromper l'opinion publique étrangère surtout sur les véritables raisons de toute cette agitation. Tous s'accordent à dire que le processus doit être enclenché sans tenir compte des pressions extérieures. K. ABDELKAMEL