Dans cet entretien, la chanteuse Salima Abada se livre et parle de ses débuts, de son album et de son envie de se produire avec son groupe plus souvent. -Quel a été l'événement déclencheur de votre carrière ? En toute sincérité, j'ai commencé à chanter au primaire pour les fêtes scolaires, notamment à l'occasion de la Journée du savoir, le 16 avril. A l'époque déjà, j'écrivais mes propres chansons et je les chantais. Avec mes camarades de classe, on formait une petite troupe. Evidemment, c'est moi qui dirigeais ce petit groupe. Les textes étaient écrits en langue arabe. Par la suite, mon professeur m'a fait le reproche de ne pas écrire en langue française. Après le lycée, cela s'est arrêté. J'ai revu un jour, dans le bus en descendant de la fac, un camarade de classe qui était guitariste. Il m'a dit que le groupe auquel il appartient est à la recherche d'une voix féminine. Il m'a demandé si je voulais bien les rejoindre. J'avais 19 ans et cela faisait déjà neuf ans que je m'exerçais au chant. J'ai intégré donc ce groupe de rock. Il y avait des membres du groupe Contrast qui venaient de temps à autre pour faire des «bœufs». Je me suis dit pourquoi ne pas continuer à faire de la musique en produisant un album. Chose qui a été faite. Il y a eu ensuite, en 2007, la formation de notre groupe Contrast. Une formation très complice… Nous sommes liés par une amitié sincère. On se connaît depuis dix ans. On a grandi ensemble. C'est une amitié qui s'est soldée par ce partage pour la musique. Ces musiciens sont devenus mes frères. Moi qui n'ai pas de frère. J'ai cinq frères sur scène. On se dispute. On se prend la tête, mais de là à ne plus arriver à se parler, jamais. Cela reste une relation fraternelle entre Nadjib Gamoura, à la basse, Chérif Lahouni, au clavier, Redouane, à la guitare, Fouzi Mecelem, à la guitare et Nazim Benkaci, à la batterie -Pourquoi avoir baptisé le groupe «Contrast»? Parce que chacun d'entre nous vient d'une formation différente. Il y a un métissage. Il y a, entre autres, du jazz et du rock. Pour ma part, je viens d'une formation strictement française. Nous avons opté pour ce nom à cause de ce contraste au niveau des styles personnels. C'est justement ce contraste qu'on entend dans notre album. On se rend compte de ce contraste dès les premières notes musicales jouées. Il y a des notes occidentales harmonisées avec des notes algériennes. Je tiens à rappeler que c'est un album qui devait sortir il y a deux ans, mais un éditeur, dont je tairai le nom, nous a bloqués. Cela m'a frustrée et démoralisée à la fois. Je ne voulais plus en parler par la suite. Pendant deux ans, nous n'avons rien fait. Après cette période, nous nous sommes revus. Nous étions conscients qu'il fallait passer à autre chose. Nous avons fini par éditer notre premier album en décembre 2011. Un album qui regroupe des compositions personnelles et deux reprises. -Quels sont les thèmes abordés dans vos chansons ? Ce sont des thèmes de société, mais énormément de la période de terrorisme qu'on a vécue. Je trouve qu'on ne parle pas assez de cette période. Que ce soit au cinéma, dans la musique ou autre. De toutes les manières, je sortirai un autre album, je reparlerai de cette période charnière et sanglante qu'à vécue mon pays. Peut-être que je le ferai en langue arabe, afin que le message passe mieux. Dans notre album, il y a une chanson adressée au Président. C'est, en fait, une jeune Algérienne qui s'adresse à son Président dans le respect le plus total, car elle lui doit le respect. Il y a dans cette chanson un ras-le-bol et un cri de la jeunesse. -Est-ce difficile d'être artiste en Algérie ? Il est certes difficile d'être artiste. Jugez par vous-même combien nous avons mis de temps pour lancer notre premier album. Il est difficile d'être un artiste quand on ne chante que du raï, du hawzi, de l'andalou ou encore du chaâbi. Imposer son propre style reste très difficile. Ce n'est pas une question de langue. Je pourrais écrire beaucoup plus en arabe. Des gens m'ont conseillé d'écrire en arabe afin de toucher la jeunesse algérienne. Rien n'est facile. Les portes n'ont jamais été ouvertes pour nous, que ce soit par le ministère de la Culture ou un autre organisme public. A titre d'exemple, quand il y a un festival à l'étranger, ce sont toujours les mêmes personnes qui représentent l'Algérie. Oui, je veux bien, on parle des nouvelles générations. Mais qu'on nous ouvre les portes. -On ne peut pas vivre de ce métier. Si ce n'était pas le Ramadhan, où nous avons été programmés deux ou trois fois, nous n'aurions pas travaillé. D'un côté, c'est immense pour un jeune groupe, qui existe depuis cinq ans, de nous produire. Je me pose les questions suivantes : pourquoi est-ce que ce sont toujours les mêmes qu'on sollicite ? Que se passe-t-il dans les bureaux des responsables ? Nous voulions faire un album. Nous avons galéré, mais heureusement que nous avons nos parents qui nous suivaient. Mais quand l'Etat dit qu'il est là pour nous, je dis, ce n'est pas vrai. Je n'y crois pas. Car au moment où nous avions besoin de lui, nous ne l'avons pas trouvé. -Parlez-nous de votre public : qui sont les gens qui vous écoutent, que vous disent-ils ? Notre musique est une musique du monde. Notre public est aussi divers que varié. Le public qui nous suit semble aimer ce que nous faisons.