A quoi sert un journaliste ? «Non pas à exprimer ses opinions, mais à honorer le droit des citoyens à une information qui soit vérifiée, documentée, recoupée», répond Edwy Plenel. Le fondateur du journal électronique Mediapart, ancien directeur de la rédaction du journal français Le Monde, est à l'origine de nombreuses révélations sur les arcanes du pouvoir politico-financier hexagonal et international. Lors d'une conférence, hier, à l'Institut culturel français, Edwy Plenel, lauréat 2012 du prix Omar Ouartilane pour la liberté de la presse, a ainsi rappelé que «mettre au cœur du débat public les vérités de faits est l'exigence absolue qui pèse sur les journalistes». En répondant à l'impératif d'honnêteté plus qu'à celui d'objectivité, le journaliste se doit de se départir de ses convictions et de ses opinions de citoyen afin de pouvoir «regarder la vérité en face même si elle dérange». Car le plus grand crime pour cette corporation est de se taire. «Albert Londres, l'une des icônes du journalisme d'investigation, avait qualifié ce métier de ‘mettre la plume dans la plaie'», souligne M. Plenel. Et le journalisme d'investigation est l'arme suprême pour les médias afin de répondre à cette exigence de vérité de faits. Car pour sortir de la «fiction» qui peut gagner les sociétés et les médias, le journalisme d'investigation demeure indispensable. «L'un des meilleurs exemples a été donné aux Etats-Unis, société médiatique par excellence», cite-t-il. «Après les attaques du 11 Septembre, un agenda idéologique a été déroulé, et ce, bien qu'il n'y ait eu aucun lien entre Al Qaîda et le régime irakien. Mais le mensonge d'Etat est devenu mensonge médiatique et tout un peuple s'est laissé prendre par la fiction», relate-t-il. Et il a fallu qu'un journaliste d'investigation, Seymour Hersh, publie une série de photos prises dans la prison d'Abou Ghraïb pour que l'opinion publique se réveille. Les nouveaux médias, utilisé à bon escient, peuvent d'ailleurs contribuer à cet éveil. «Internet et les nouveaux moyens de communication représentent une avancée qui va au-delà de la révolution médiatique. Les médias ne connaissent plus de frontière et les citoyens s'emparent de leur droit d'opinion», affirme M. Plenel. Le journaliste professionnel doit dès lors développer une nouvelle relation à l'information. «Il y a dans ces conditions à fournir un réel effort d'analyse, de mise en perspective et d'approfondissement de l'information traditionnelle», conclut-il.