Comme chaque année, à quelques semaines de l'Aïd El Adha, certaines artères de la capitale se transforment en foire de moutons. Des proprios de locaux s'érigent à l'occasion en revendeurs de «kbech» dans l'espace urbain. Cela rapporte gros. Pas question de laisser passer pareille opportunité qui permet de dégager des dividendes conséquents, disent-ils. Les uns se permettent de changer, l'espace d'un temps, leur activité pour une autre plus juteuse, les autres s'arrangent à décadenaser une échoppe désaffectée pour écouler l'espèce ovine. A l'instar des vendeurs de «zlabia» et de «qelbalouz» pendant le mois de Ramadhan, ils saisissent l'aubaine avant le rituel de Sidna Ibrahim El Khalil, pour rentabiliser à coups de dizaines de millions le produit des maquignons qui passent outre la réglementation en vigueur. Celle-là même qui n'a de cesse de rappeler aux impénitents mercantis les critères auxquels ils doivent se conformer, dont la délimitation et la régulation des aires consacrées à la vente officielle. Mais Alger et sa périphérie se voient ruralisées. Elle est envahie par une escouade de camions et camionnettes qui alimentent en cheptel ovin, sous l'œil impassible des autorités, les intermédiaires et les revendeurs dits petits. Les margoulins abreuvent des locaux de particuliers qui commercialisent le bélier qui échappe, il va sans dire, à l'autorité vétérinaire. A défaut de boutique, le ruminant occupe, avec la botte de foin et le crottin, les lieux publics. Peu importe si cela incommode les usagers piétons et ruralise un peu plus la cité. Cela fait partie, l'espace des noces urbaines, entendons-nous dire. Et au diable l'arrêté de wilaya qui interdit, chaque année, la vente de moutons sur le trottoir, sommes-nous tenus de constater ! L'anarchie ne règne pas moins qu'auparavant. Et c'est aussi au grand bonheur des petits qui gambadent en procession, malmenant le quatre-pattes au même titre que ceux qui affectionnent les arènes de combats de béliers, piétinant l'esprit du sacrifice rituel, celui du «nahr» et du «noussouk».