Le jeune artiste, Kheireddine Djebbara, 28 ans, risque six mois de prison ferme pour un dessin que les gardiens du temple ont décidé de classer parmi «les atteintes aux symboles de la nation». Il s'agit d'un drapeau plié sur lequel reposent deux paires de chaussures de femme à talons. «Je voulais dénoncer les passe-droits dont bénéficie la femme chez nous. A chaque fois qu'il y a une offre d'emploi, ce sont des femmes qui sont prioritaires !», s'était-il exclamé, tentant de défendre un cliché malheureusement trop répandu. Or, si les idées du dessinateur sont rétrogrades et insultantes à l'égard des femmes, il reste que l'action en justice contre un artiste pour un dessin est un dépassement grave. Les faits remontent à avril dernier où, Khiro pour les intimes, avait été invité par un centre de formation professionnelle pour exposer ses œuvres à l'occasion de Youm El Ilm (célébration du 16 avril). Jusque-là tout se passe bien et il a même eu du succès auprès des visiteurs. Quelque temps après il est convoqué au commissariat et, à sa surprise, on l'informe qu'il est accusé, par la direction des moudjahidine qui s'est constituée partie civile, d'atteinte à l'emblème national. En fait, une femme de passage a photographié la caricature et l'a transmise à la direction des moudjahidine. Plus tard, il recevra une deuxième convocation et apprendra qu'il avait été jugé à son insu et qu'il devait écoper de 6 mois de prison ferme ! Suite à quoi il désigne un avocat et fait appel. «Je ne comprends pas comment ils en sont arrivés à cette conclusion, s'était-il étonné, comment un petit-fils de chouhada (grand-père paternel et grand-père maternel) peut-il porter atteinte à l'emblème national !». Le dessin incriminé a été exposé plus d'une fois dans différentes manifestations et jamais personne ne lui a fait un reproche. Son travail, y compris le dessin en question, a été exposé à la maison de la culture de Batna, à Sétif et en d'autres occasions sans pour autant faire l'objet d'une seule remarque. Khaled Dib, l'avocat chargé de la défense, estime que la caricature ne présente aucun signe apparent «d'atteinte» et ni les connaisseurs ni les néophytes ne peuvent déceler ces «atteintes». Notre jeune artiste, qui nous a exprimé son sentiment de dépit, ne comprend pas l'attitude de ses pairs avec lesquels trois mois durant il a mené des actions pour la promotion de la culture dans la wilaya et aujourd'hui qu'il fait l'objet de poursuites judiciaires, personne ne lui a exprimé le moindre signe de sympathie, même pas ses camarades artistes ! Aujourd'hui, esseulé, Kheireddine Djebbara, attend le verdict qui tombera le 29 octobre prochain. Il aura au moins passé l'Aïd en famille.