Une première dans les relations entre l'autorité libanaise et les camps de réfugiés palestiniens implantés dans ce pays que la première ne contrôlait pas. Pire que cela, elle n'a même pas pu assurer la sécurité des réfugiés qui y vivaient en vertu d'accords bilatéraux ou multilatéraux quand ils étaient bombardés par l'armée israélienne, ou une force libanaise telle le mouvement Amal dans les années 1980. C'était la période de la guerre civile, et le pays entier échappait à ses autorités quand celles-ci venaient à exister. Ce qui n'était pas du tout évident, car c'était le règne des milices. Celles-ci ont rendu leurs armes et n'exercent plus leur loi. C'est l'Etat libanais qui entend, quant à lui, exercer la plénitude de son autorité jusque et y compris dans les camps de réfugiés qu'il entend désarmer, tout en appelant en refusant de devenir une terre d'accueil pour les centaines de milliers de réfugiés palestiniens. Ce qui suppose un règlement de l'ensemble de la question palestinienne, ce à quoi s'oppose Israël. Grande première donc, puisqu'une commission ministérielle libanaise a visité pour la première fois, vendredi, des camps de réfugiés palestiniens pour s'enquérir des conditions de vie, qu'elle a jugées « dramatiques », de leurs habitants. « Ce que nous avons vu dans ce camp est un véritable drame humanitaire qui devrait ébranler la conscience internationale. Il est impensable qu'il perdure et que les Palestiniens soient maintenus dans ces conditions de vie qui frôlent l'atteinte à la dignité humaine et aux droits de l'homme », a déclaré à la presse le ministre de l'Education, Khaled Kabbani, qui préside la commission, dans le camp de Chatila à Beyrouth. « C'est la communauté internationale qui assume la responsabilité de ce drame, or elle est aujourd'hui totalement absente », a-t-il ajouté. « Le gouvernement libanais peut déployer des efforts pour alléger les souffrances des Palestiniens en leur accordant leurs droits civils, mais le problème ne peut être résolu que par leur retour dans leur foyer » conformément à la résolution 149 de l'Onu, a-t-il encore dit. La commission s'est entretenue dans ce camp avec une délégation de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), dirigée par Khaled Aref. M. Kabbani a précisé que le but de la visite était de s'enquérir des conditions de vie dans les camps. « Le dossier de l'armement palestinien n'a pas été évoqué lors de cette visite qui s'est concentrée sur les droits humanitaires, civils et politiques des habitants », a-t-il affirmé. M. Kabbani était accompagné des ministres du Travail Trad Hamadé de la Santé, Mohammad Khalifé des Déplacés, Nehmé Tohmé, et de la Culture Tareq Mitri, qui remplaçait la ministre des Affaires sociales, Nayla Moawad, qui n'a pas fait le déplacement « pour des raisons de sécurité ». Les membres de la commission ont déposé des couronnes au « cimetière des martyrs » où sont enterrées les victimes des massacres commis à Sabra et Chatila en 1982 avant de se rendre dans la région de Sour, au Liban sud. « Nous avons pu constater aujourd'hui que les Palestiniens du Liban vivent comme s'ils étaient dans une grande prison qui rappelle les camps de prisonniers érigés après la seconde guerre mondiale », a pour sa part estimé Trad Hamadé. La conférence du dialogue interlibanais, qui doit se poursuivre lundi pour tenter de sortir le pays de l'impasse politique, a appelé au désarmement des bases palestiniennes situées hors des camps de réfugiés dans un délai de six mois, ainsi que la réglementation du port d'armes dans les 12 camps de réfugiés palestiniens que compte le Liban. La résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'Onu, adoptée en 2004, exige notamment le désarmement des Palestiniens afin que l'Etat libanais puisse exercer son autorité sur tout son territoire. Ce dernier n'est pas responsable d'une telle situation. Son appel à la conscience internationale est un cri pour la paix, car ces milliers de réfugiés ne demandent qu'à rentrer chez eux.