Le ministre de l'Intérieur, réticent au vote des étrangers aux élections locales, veut assouplir les critères de naturalisation et effacer le passage de son prédécesseur, Claude Guéant. Caracolant dans les sondages, il fait enrager les ténors de la droite. Paris De notre correspondant Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, souhaite relancer les naturalisations en assouplissant les critères imposés par le gouvernement précédent, préférant une vision de la France «terre d'accueil» à celle «qui regarde le monde avec méfiance». Naturalisé lui-même français à 20 ans, juste après l'élection de François Mitterrand en 1981, Manuel Valls a notamment ouvert l'accès à la nationalité aux salariés précaires et aux étudiants : «La France est une terre d'accueil. J'aime ce pays qui, un jour, a fait de moi l'un des siens.» Il s'agit, selon lui, de «redresser la courbe du nombre de naturalisations» qui ont chuté de 30% entre 2010 et 2011 à cause de «consignes de durcissement» transmises par l'ancien ministre de l'Intérieur, Claude Guéant. Le message est clair : revenir sur la politique de Nicolas Sarkozy. «Je refuse l'idée que seuls les détenteurs d'un CDI puissent devenir Français», tranche le ministre d'origine espagnole. L'absence de contrat à durée indéterminée justifiait, dernièrement, près de 40% des refus. Tout comme il a enterré définitivement les questionnaires à choix multiples, sur l'histoire ou la culture française, prévus dans une loi entrée en vigueur le 1er juillet mais jamais appliquée. «On ne devient pas Français en répondant à un QCM !», a-t-il lancé. Tous les critères ont été remis à plat Les préfets ont reçu, jeudi dernier, une circulaire précisant ces nouveaux critères. Elle leur demande de «prendre en compte le potentiel» des jeunes diplômés, notamment les plus brillants, et de présumer «l'assimilation» des jeunes ayant effectué une grande partie de leur scolarité en France. Le ministre, en parallèle, insiste sur l'adhésion aux valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité, mais aussi laïcité et solidarité.Une maîtrise de la langue française correspondant à un niveau de troisième reste exigée. Le ministère de l'Intérieur prévoit de revenir, comme le prévoit la loi, au délai de cinq ans de séjour minimum en situation régulière pour pouvoir demander la nationalité française. Son prédécesseur de droite l'avait tacitement monté à dix ans. «Braderie» et «ticket de métro» Il n'en fallait pas plus pour que l'opposition l'accuse de «brader» la nationalité. «Alors que Nicolas Sarkozy et François Fillon ont souhaité renforcer le parcours permettant d'accéder à la nationalité avec des critères précis, tels qu'un certain niveau de maîtrise du français, une connaissance minimale de l'histoire de France et la signature d'une charte — des droits et des devoirs du citoyen —, les socialistes voudraient transformer la citoyenneté française en une citoyenneté au rabais», s'étrangle Eric Ciotti, secrétaire national de l'UMP à la sécurité, soutien de François Fillon pour la présidence de l'UMP. La fille de Jean-Marie Le Pen est contre une nationalité française donnée comme «des tickets de métro». Et de faire un raccourci, pour le moins surprenant : «On va donc fabriquer des Français en masse, plus encore que ce qui était fait sous le règne de Nicolas Sarkozy, avec des chiffres énormes. La nationalité française n'est pas un facteur d'intégration quand elle est sans contenu, quand le fait d'être étranger ou français vous donne les mêmes droits. Ce qui est facteur d'intégration, c'est le travail. Il y a cinq millions de chômeurs. Par conséquent, on va donner la nationalité à des chômeurs en puissance. Mais où est l'intégration ?»