Le procès a démontré que des groupes de malfaiteurs activent en Kabylie avec le même mode opératoire que les islamistes, sans avoir forcément une connexion avec l'ex-GSPC. Le procès des présumés assassins de l'entrepreneur, Hend Slimana, et de l'enlèvement de son cousin, Omar Slimana, s'est poursuivi, hier, avec les plaidoiries des avocats de la partie civile et le réquisitoire du représentant du ministère public au tribunal criminel de Tizi Ouzou. A l'heure où nous mettons sous presse, la défense des accusés défile devant la juge pour tenter de réduire les lourdes peines requises à l'encontre des 12 mis en cause. En effet, le procureur général a demandé l'application de la peine capitale à l'encontre de 10 accusés –Tchatchi Boussad et son frère Youba, Ibouchoukane Sofiane et Hassan, Hlifi Sadek, Semadi Aomar, Amiri Lyes, Abdi Mohamed, A. Salah et A. Rabah. Leurs acolytes Boukersi Mohammed et Boukhari Abderrazak ont écopé respectivement de la perpétuité et de 20 ans de prison ferme assortie d'une amende de 5 millions de dinars. Rappelons que les mis en cause sont poursuivis pour 8 chefs d'inculpation, dont l'enlèvement de trois personnes à l'effet de demande de rançon. Mais il y a eu mort d'homme dans le dernier rapt. Il s'agit de Hend Slimana, qui a succombé à ses blessures dans une clinique de Tizi Ouzou, après qu'il ait été blessé par balle en résistant à une tentative d'enlèvement. Les autres kidnappings concernent Omar Slimana enlevé en novembre 2010 ; Ibirar Lounes, un commerçant kidnappé par le même groupe le 3 juillet 2010 sur la route de Tala T'gana, dans la commune de Fréha ; Mehadi Nordine de Yakouren. Originaires pour la plupart d'Aghribs et de Fréha, les 12 mis en cause présents dans le box des accusés étaient fellahs, chômeurs, agent immobilier… Le procès, qui s'est déroulé ces deux derniers jours, a démontré que des groupes de malfaiteurs activent en Kabylie avec le même mode opératoire que les islamistes, sans avoir forcément une connexion avec l'ex-GSPC. Selon les témoignages, les assaillants opèrent en treillis, encagoulés, armés de kalachnikovs et procèdent avec une agilité déconcertante. Les armes, ils les ont achetées à Tamanrasset grâce au «butin» des forfaits commis. L'on se souvient, en plus de ce procès, de deux autres affaires importantes qui avaient été jugées en 2008, où la justice avait établi que les auteurs étaient membres d'un groupe de malfaiteurs qui soutenait les terroristes. L'autre affaire traitée est celle de l'enlèvement du jeune Mourad Bilek, de Beni Douala, kidnappé en mai 2011 par les éléments de l'émir Si Mohand Ouramdhane alias El Khechkhache, abattu par les forces de sécurité en janvier 2012. Le procès des trois auteurs poursuivis pour «appartenance à un groupe terroriste» et «enlèvement» de Bilek Mourad a eu lieu en juin 2012. Pour revenir au procès en cours, la partie civile, représentée par maîtres Zaïdi, Aït Larbi et Chikhaoui, a axé la plaidoirie sur un grief, celui d'homicide volontaire avec préméditation contre Hend Slimana. A ce propos, Me Mokrane Aït Larbi dira : «Il est certain que les accusés auront la peine maximale, mais est-ce que cela va régler le problème de l'insécurité en Kabylie ?» Déplorant le laxisme et la légèreté avec laquelle a été instruite cette affaire, il ajoute : «La priorité dans l'instruction de cette affaire a été donnée aux autres chefs d'inculpation, alors qu'il fallait s'étaler sur l'acte qui a coûté la vie à Hend Slimana.» «Comment se fait-il que Tchatchi Boussad, qui vient de purger une peine de 7 ans à la prison d'Aflou, opère avec son groupe sans être inquiété de la surveillance permanente qui lui a été imposée par la police, le DRS et la gendarmerie ?», s'interroge-t-il avant de poursuivre : «Il y a eu défaillance ou complicité, car ce n'est pas un problème de compétence mais plutôt un problème de volonté dans la gestion du volet sécuritaire en Kabylie en dépit des moyens technologiques dont disposent les corps de sécurité.» D'ailleurs, l'avocat a invité à prendre au sérieux les aveux de Sadek Hlifi qui disait, avant-hier : «Convoquez les personnes que je viens de vous citer, car derrière eux, il y a des personnes importantes, il y a des choses qui vous dépassent, Madame la juge»… Lors de la première journée du procès, un seul aveu a capté l'attention des avocats de la partie civile, celui venant de Hlifi Sadek, diplômé en droit, reconverti en agent immobilier. Ce dernier a fourni la cachette, une maison où a été séquestré Omar Slimana durant 8 jours. «J'ai loué cette maison à trois personnes qui ne sont pas dans le box des accusés. Dans ma déposition à la gendarmerie de Fréha, le chef de brigade m'a conseillé vivement de ne pas citer leurs noms (Saïd C., Boudjemaâ O. et Boussad Dj.) ; le chef de brigade essayait de les protéger. Je n'ai pas osé les dénoncer à la justice puisque les mêmes personnes m'ont menacé de liquider ma famille physiquement. Et ce, après que j'ai découvert ce qui se passait dans la maison que je leur ai louée. Ces trois personnes courent toujours.» La partie civile avait exigé l'audition des trois personnes citées et l'ouverture d'une enquête qui déterminera leur implication ou pas.