L'aumônerie catholique, institution historique dans les prisons, vient de tenir son congrès. Vincent Feroldi, l'un des acteurs du dialogue interreligieux, est aumônier catholique à la maison d'arrêt de Lyon-Corbas (Rhône). Il a bien voulu répondre à nos questions. -Y a-t-il un problème «musulman» dans les prisons françaises ? Non. La vraie question est celle de l'accompagnement spirituel et humain des personnes de confession musulmane par les représentants de leur communauté. Malheureusement, dans les prisons proches des grandes villes, beaucoup de personnes détenues musulmanes ne peuvent participer à la prière ou à des activités spirituelles, de recevoir la visite d'un aumônier musulman, par manque de cadres musulmans. Ils sont bien trop peu nombreux par rapport à la demande. Il est souhaitable que la communauté musulmane s'organise, forme et soutienne des hommes et des femmes, prêts à s'engager pour être aumônier de prison. -Doit-on s'inquiéter d'une radicalité musulmane en prison ? Ne stigmatisons pas une communauté ! Il faut s'inquiéter de toute radicalité qui peut exister aujourd'hui en prison. Ne croyons pas qu'elle serait spécifique à une religion ou à un groupe particulier. Dans notre monde d'aujourd'hui, marqué par la crise économique et le multiculturalisme, certains ont tendance, par peur de l'autre, à se radicaliser et à être tentés de passer à des actes de violence. Cela touche toutes les composantes de la société. Il est donc important de repérer en prison ceux et celles qui pourraient être tentés de prendre ce chemin. -Les aumôniers chrétiens peuvent-ils suppléer au manque d'aumôniers musulmans ? Comme l'ont rappelé récemment les aumôniers nationaux des prisons catholiques, protestants et musulmans, les aumôniers de prison partagent, quel que soit leur culte, le projet commun de construire une amitié et une reconnaissance entre eux, entre les membres de leurs religions et avec tous en prison. Les aumôniers chrétiens sont donc à l'écoute de tous ceux qui souhaitent pouvoir partager en profondeur sur leur vie et être soutenus dans ce temps d'épreuve qu'est la prison. Mais ils ne peuvent répondre à toutes les attentes d'un détenu musulman, en particulier au niveau de la prière. -Est-ce facile, aujourd'hui, pour un prêtre de l'aumônerie d'aller à la rencontre des prisonniers d'autres confessions ? La vie d'une prison fait qu'un aumônier a de multiples occasions de rencontrer toute personne détenue, quelles que soient son origine ou sa croyance : au quartier des arrivants, en cellule, dans les coursives, etc. Dans la mesure où le détenu souhaite la rencontre, celle-ci est possible car l'administration pénitentiaire autorise tout aumônier à se déplacer en détention et de rencontrer chaque personne qui en fait la demande. Cette rencontre sera d'autant plus aisée qu'elle se voudra la rencontre d'un «frère en humanité», sans aucune visée de prosélytisme. -A-t-on raison de lier la présence de personnes de confession musulmane dans les prisons et la radicalisation marquée notamment par les islamistes arrêtés, l'un d'eux abattu alors qu'il tirait sur la police ? Il nous faut prendre du recul et nous interroger sur le devenir d'une société qui n'arrive plus à proposer aux jeunes d'aujourd'hui un projet de société, où chacun peut avoir un travail et un logement, fonder une famille et vivre dignement. La crise économique et l'existence d'une économie parallèle, où l'on brasse énormément d'argent, la montée d'une violence urbaine et de l'incivilité appellent à œuvrer pour développer une vraie culture de la citoyenneté. Malheureusement, le passage par la prison d'un jeune de 18-20 ans le fragilise et le rend facilement influençable aux discours simplistes. Quand quelqu'un est convaincu qu'il n'a pas d'avenir et qu'il n'a pas droit au bonheur, il va s'enfermer dans un monde où seule règnera la loi du plus fort. -Comment l'aumônerie catholique a-t-elle vécu l'évolution de la population carcérale, avec notamment l'accroissement de prisonniers d'autres confessions ? Comme tous. L'aumônerie catholique fait l'expérience du pluralisme religieux et de l'importance à permettre à chacun de vivre sa foi dans le respect de l'autre. Elle a donc le souci, présentement, d'aider l'aumônerie musulmane à trouver toute sa place en détention et à pouvoir répondre ainsi aux attentes de la population musulmane. -L'antisémitisme est-il une réalité dans les prisons ? Il peut parfois apparaître lors d'événements liés avant tout au conflit israélo-palestinien, plus à travers des propos regrettables et condamnables que par des actes de violence physique.