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“Tenter de comprendre pourquoi cette poésie résonne si fort” SOFIANE HADJADJ, UN DES INITIATEURS DU PROJET “MAHMOUD DARWICH, UNE VIE DE POESIE”, À LIBERTE
Sofiane Hadjadj, le codirecteur des éditions Barzakh et un des initiateurs de l'évènement Mahmoud Darwich, une vie de poésie, revient dans cet entretien sur la naissance de ce projet ambitieux, sur l'universalité et la grandeur de l'œuvre de Darwich et sur l'événement de trois jours qu'abritera Alger à partir du 1er octobre, dédié à la mémoire du poète. Liberté : Comment a mûri en vous le projet “Mahmoud Darwich, une vie de poésie” ? Sofiane Hadjadj : L'idée est née après une discussion avec le plasticien Rachid Koraïchi. Il m'a parlé de son travail avec Mahmoud Darwich réalisé à Tunis entre 1981 et 1984 puis poursuivi à Paris jusqu'en 1991. Ce travail n'avait jamais été montré dans sa globalité et Rachid souhaitait le voir exposé en Algérie. À partir de là, on s'est dit qu'il fallait organiser un hommage à Mahmoud Darwich plus large, en se souvenant que le poète palestinien avait rédigé la déclaration de création de la Palestine comme Etat indépendant prononcée à Alger le 15 novembre 1988 (un texte d'ailleurs rédigé de concert avec Edward Saïd et Elias Khoury.) De là, on a soumis l'idée au ministère de la Culture et à l'Agence algérienne de rayonnement culturel (AARC) qui se sont montrés immédiatement enthousiastes. Cet événement, organisé par l'AARC en partenariat avec vous, s'accompagne également de la parution du beau-livre, une Nation en exil, de Rachid Koraïchi. Une coédition entre Barzakh et Actes Sud, mais la particularité de cet ouvrage est que la maquette a été intégralement réalisée par Barzakh… En effet, un beau-livre paraîtra à l'occasion du Sila et qui reprendra le travail de Koraïchi avec une préface de Elias Sanbar. Nous avons entièrement réalisé le livre nous-mêmes et l'impression s'effectue en Italie. Nous travaillons depuis plusieurs années avec Actes Sud et c'est une vraie collaboration dans un climat de confiance qui s'est instauré petit à petit. Avec Ahmed Saïdi, graphiste, qui nous conseille et qui suit nos projets, nous pensons prouver qu'il est possible de faire du bon travail, à condition d'avoir du temps et le soutien des partenaires. Le programme est riche et emprunte ses activités à plusieurs formes artistiques. Est-ce par là une manière de mettre en valeur la pluridisciplinarité de Mahmoud Darwich ? Il était clair dès le début qu'un hommage contemporain à Mahmoud Darwich ne saurait se limiter à des lectures de poèmes ou des témoignages. Comme tout grand artiste, l'œuvre de Darwich lui survit largement et dépasse les limites strictes de la poésie. Il a inspiré tant d'artistes (chanteurs, plasticiens, cinéastes) ! À partir de là, on a proposé, par exemple, à Nacéra Bélaza, danseuse contemporaine exigeante, très loin de tout folklore, de faire une création à partir des textes de Darwich. C'est le genre de pari qu'on aime. De même, l'idée de l'AARC d'une résidence d'écriture entre un poète palestinien d'El Qods et un poète algérien de Tindouf s'inscrit dans cette réflexion : une façon vivante de témoigner de la grandeur de ce poète. Il y a également un colloque qui sera organisé le dernier jour de cette manifestation, auquel un grand nombre de personnalités est convié. Mais le débat est ouvert car le programme dit qu'il sera question “d'approcher seulement l'œuvre de Darwich”. Pourquoi ? “Approcher seulement” car, il me semble, une fois de plus, que comme tout grand artiste, l'œuvre de Mahmoud Darwich ne peut être circonscrite. Elle est bien trop riche, bien trop ample pour qu'on prétende en prendre la mesure. En somme, elle nous dépasse et nous dépassera toujours. Du coup, l'après-midi du 3 octobre au Mama verra des personnalités qui ont plus ou moins bien connu Mahmoud Darwich, qui ont travaillé sur son œuvre, l'ont traduite. Mais on n'abordera jamais que quelques facettes de la personnalité et du génie poétique du poète palestinien. Vous proposez d'approcher l'œuvre de Darwich par la traduction. Quelle part a eu ce poète dans la traduction ? L'œuvre de Darwich s'est imposée au fil des années. Mais il n'a eu de cesse, lui-même, surtout à partir du milieu des années 1990, de se revendiquer comme poète tout court plutôt que “poète de la résistance” simplement. On n'a peut-être pas bien mesuré à quel point sa poésie avait évolué vers des thématiques plus larges, abordant des questions métaphysiques, l'amour ou la vie quotidienne. Et c'est ce qui a donné à cette œuvre un surcroit d'audience mondiale. Darwich est parmi les poètes contemporains les plus traduits dans le monde ! On a donc invité quatre traducteurs (Allemagne, Espagne, France, Italie) pour tenter de comprendre pourquoi cette poésie résonne si fort en Europe et en Amérique latine ? Qu'est-ce qu'elle leur évoque ? etc. Une façon de comprendre comment et pourquoi, partant de la terre palestinienne, elle est réellement devenue universelle.