Les candidats eux-mêmes savent qu'ils n'ont pas de marge de manœuvre et sont convaincus qu'ils ne pourront pas tenir leurs promesses électorales, estime en substance un citoyen à Constantine. Sur des panneaux d'affichage complètement vierges, installés sur la place du 1er Novembre (ex-La Brèche), carrefour stratégique de la ville de Constantine, certains ont trouvé un malin plaisir à exprimer leur opinion de la manière la plus simple. Des graffitis reflétant un malaise qui perdure au sein de la société, alors que d'autres ont opté carrément pour des propos insultants envers tout ce qui symbolise le pouvoir. «C'est l'état d'esprit qui domine aujourd'hui et qui n'est autre que l'image du quotidien de ces jeunes désemparés et sans repères», estime Toufik, un jeune employé à Algérie Poste. «Sincèrement, nous avons constaté, ces cinq dernières années, que la majorité des gens ne croient plus à la représentativité des élus locaux, à leur tête le président de l'APC, qui sont eux-mêmes convaincus, alors qu'ils ne le font jamais savoir, de l'impossibilité d'aller jusqu'au bout de leurs intentions sans avoir les coudées franches», poursuit-il. L'érosion des pouvoirs et des prérogatives du maire, qui se voit réduit à une simple personnalité publique au profit d'une administration dirigée par un wali auquel on ne cesse de confier des missions grandissantes, semble être l'idée qui anime un électorat désabusé. «Comment peut-on élire un président d'APC qui n'a même pas le pouvoir de décider sur des questions cruciales qui concernent la gestion de sa ville et se contente de recevoir les instructions d'un wali qui, lui, va se charger de tout faire au point d'être complètement submergé ?», s'interroge Abderrezak, enseignant dans un lycée. LA HAUTE MAIN DU WALI Ce constat a été vérifié, ces dernières années, avec l'attribution des quotas de logements, la gestion des marchés dont ont bénéficié certaines communes et même les opérations de nettoyage et de lutte contre le commerce informel. «Même les décisions de démolition et les autorisations de construire ne sont plus du ressort des P/APC», lâche le gérant d'un café situé au centre-ville. «OCCUPEZ-VOUS DU RAMASSAGE DES ORDURES» Une réflexion qui rappelle une scène restée dans les mémoires des élus locaux de l'assemblée sortante, à leur tête le président de l'APC, lors de la cérémonie d'installation présidée par l'ex-wali de Constantine en novembre 2007 au centre culturel Ben Badis, quelques jours seulement avant la visite de Nicolas Sarkozy dans la ville : «Occupez-vous de l'éclairage, des trottoirs et de la collecte des ordures, le reste je m'en charge», avait lancé l'ex-responsable de l'exécutif devant une assistance étonnée. Le reste s'est vérifié sur le terrain. Du côté des jeunes, les élections ne semblent pas emballer grand monde. «Moi personnellement, je ne connais que le wali, d'ailleurs tout ceux qui ont des problèmes vont protester devant son cabinet et ne sont jamais allés voir le maire. Je vous jure que même le maire n'est pas au courant de nos problèmes. On ne l'a jamais vu dans notre quartier», s'exprime Fares, gardien de parking à la cité Ziadia. Un sentiment partagé aussi par les habitants de plusieurs cités de la périphérie, qui dénoncent la marginalisation et le laisser-aller dont ils ont été victimes durant plusieurs mandats des élus des APC. «Les plus sages parmi les habitants de la ville vous diront qu'ils iront voter rien que pour se voir apposer le cachet sur la carte d'électeur parce qu'on continue toujours de l'exiger pour avoir droit au logement social, comme au bon vieux temps des années 1970», conclut un vieux vendeur de fruits et légumes installé juste en face du siège de la wilaya.