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Point de vue
Pour de nouvelles relations !
Publié dans El Watan le 27 - 03 - 2006

Les chefs d'Etat arabes se réunissent à Khartoum ces 27 et 28 mars, dans un contexte de violence extrême en Irak, de confusion en Palestine et ailleurs, situation marquée par un regain de l'extrémisme, du racisme et du recul du dialogue partout dans le monde.
De par ces impasses, l'urgence de vraies négociations Nord-Sud, en particulier des pays arabes, avec l'UE et les USA se posent, plus que jamais, nous dit Mustapha Cherif, ancien ambassadeur et délégué permanent auprès de la Ligue des Etats arabes, qui s'interroge, en penseur, sur les causes profondes du désordre, de l'islamophobie et de l'intolérance qui nuisent à tous les peuples. L'actualité mondiale : nous sommes dans l'intolérance. Comment en est-on arrivé à ces inimitiés que certains affichent sans honte ? Les rapports d'instances indépendantes en Europe signalent le regain de racisme anti-arabe en rive nord. Au Moyen-Orient, les violences interethniques et interreligieuses, d'une part, et l'arrogance israélienne, d'autre part, redoublent de férocité. Et en ce moment précis, par exemple, où l'on a besoin de dialogue, le Vatican vient de dissoudre le Conseil pontifical pour les relations interreligieuses, et dilue sa mission dans un organe culturel. Espérons qu'il ne s'agit pas d'un recul. Par-delà les séquelles du passé, la propagande du « choc des civilisations » et l'ambition d'hégémonie de la première puissance mondiale, influencée par les extrémistes sionistes, créent une situation d'islamophobie préoccupante. Cette dérive a abouti à l'occupation de l'Irak, à l'aggravation du drame du peuple palestinien et à l'impasse du partenariat entre les deux rives de la Méditerranée. La politique de « deux poids, deux mesures » a exacerbé le ressentiment des musulmans, désignés comme « les nouveaux ennemis ». Mais les autres peuples n'ont rien à y gagner, ni même le peuple américain, entraîné dans des guerres qu'il n'a pas voulues. Nous devons aider les USA à prendre conscience que leur alignement aveugle sur les pratiques iniques d'Israël est contre leur intérêt. Reste aussi à corriger les dérives internes aux sociétés arabes. Les mouvements et régimes qui usurpent le nom de l'islam et exploitent le religieux dans le champ politique sont dopés par cette situation. Les réactions terroristes, si traumatisantes, les actions des désespérés Palestiniens, poussés au suicide par la répression brutale et par l'absence de perspectives, les prises d'otages infâmes, mais aussi les pratiques crispées de la religion, tout cela nuit aux musulmans. Les injustices, d'un côté, les réactions irrationnelles, de l'autre, ont mis en scène une tragédie planétaire de la haine. Il serait temps d'arrêter la folle spirale. Dans ce contexte du terrorisme des puissants et du terrorisme des faibles, les efforts de paix semblent vains. Les tenants de la haine, pourtant minoritaires, ont remporté une bataille, mais ils n'ont pas encore anéanti l'avenir. Les extrémistes, de tous bords, sont plus influents que les êtres de paix. Si l'on se tait, cela s'aggravera. C'est aux pyromanes que les médias occidentaux et arabes offrent le plus leurs tribunes ! D'où l'importance de redoubler d'efforts dans le domaine de l'information. L'ignorance est la première cause de la haine. L'éducation a délaissé le socle commun et l'on a vu restreindre l'étude de la culture de l'autre. Alors que l'Occident classique a été judéo-islamo-chrétien et gréco-arabe, on a fait croire qu'il n'a été que gréco-romain et judéo-chrétien. Les fils d'Abraham tombent parfois dans le piège de la confrontation. Du côté européen, les études sur l'islam sont envisagées sous le seul angle du sécuritaire : ce regard réducteur favorise l'amalgame et le dénigrement. Du côté des musulmans, on doit déplorer la faiblesse de la théologie critique. On n'entend surtout que le discours apologétique de prédicateurs qui versent dans le sectaire, ou le discours des intellectuels de la dilution, autoproclamés « nouveaux réformateurs », qui proposent d'appliquer au Coran les recettes du positivisme. La majorité des musulmans, heureusement, vit sa foi paisible, refusant les hurlements des loups qui appellent à l'intolérance, refusant aussi le chant des sirènes qui appellent à la dépersonnalisation. Nous sommes, citoyens du Nord et citoyens du Sud, pris dans le même mouvement. Nos aïeux n'ont vu venir ni le temps de la colonisation ni le fascisme. Notre devoir est de tenter de percevoir ce qui risque d'advenir dans ce temps accablé d'incompréhension. Les musulmans, au-delà de leurs faiblesses actuelles et de leur retard en matière démocratique, tentent de résister : à ce qui est urgent, c'est-à-dire aux injustices, et aussi, sur le plan fondamental, à la désignification du monde, la remise en cause des fondements de l'humanité, telle qu'elle existait depuis Abraham. Aux yeux de certains, cette résistance est une dissidence. Ceux-là stigmatisent le « Sarrasin », parce qu'il résiste aux dérives de la mondialisation et s'oppose aux injustices. Il ne s'agit pourtant pas de nostalgie de la tradition. C'est le sens de l'humanité elle-même qui est en jeu. La séparation du religieux et du politique est un acquis vital : contrairement à ce qui est colporté, l'islam ne confond pas ces deux niveaux. Mais la haine de la spiritualité qui habite les uns, et la peur d'une liberté soupçonnée de n'être que permissivité qui obsède les autres, accélèrent la déshumanisation. C'est le reflet de la rupture entre la morale et la vie, entre la responsabilité et la liberté. Sur le plan politique, malgré les progrès de la science et les avancées des droits de l'homme, les peuples s'aperçoivent que la marchandisation du monde réduit leur capacité à décider de leur avenir. Du fait de cet horizon, la capacité de penser autrement est remise en cause. Pour faire diversion, on veut faire croire que la croyance en général, l'islam en particulier, n'est qu'obscurantisme, qu'il s'agit d'une aliénation, que le scientisme et l'athéisme seraient seuls libérateurs. Par réaction, certains croyants s'enferment dans la pratique intolérante. Toutes les haines sont vouées à l'échec. La réponse à ce désordre mondial inquiétant, à la dépendance régionale arabe et aux agressions, consiste à former un citoyen arabe responsable, éduqué, cultivé, ce qui changera les rapports de force, sur la base du développement de nos compétences et de nos potentialités. La réponse consiste, aussi, à dialoguer, à négocier et à communiquer avec nos partenaires, en leur démontrant qu'il n'est pas dans leur intérêt de s'enfermer dans l'unilatéralisme. L'Algérie, pays marqué par une diplomatie de l'intérêt général, par la culture de l'authenticité et le sens de l'ouverture sur le monde, peut être à l'avant-garde, à la fois, d'une nouvelle société en rive sud et de nouvelles relations entre les peuples.

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