Après la mort du responsable de la branche armée du Hamas, une nouvelle crise secoue la bande de Ghaza. Depuis mercredi, 16 Palestiniens sont morts dans des bombardements. Voici le récit de deux journées d'escalade. De notre correspondant à Ghaza -Mercredi 15h. Ahmad Al Jaabari, le leader des brigades Ezzeddine El Qassam, la branche armée du Hamas, et son garde du corps sont tués dans leur voiture par une bombe israélienne. Moins d'une heure plus tard, Benjamin Netanyahu annonce le début d'une opération militaire contre les groupes armés de la bande de Ghaza, nommée «Pilier de défense». 17h. Dans la bande de Ghaza, de longues chaînes se forment devant les portes des boulangeries. Certains ont dû passer plus de deux heures à attendre leur tour pour être servis. Chaque citoyen a eu droit à un sachet de 3 kg de pain (genre libanais mais en plus petit). «Il n y avait plus de pain à la maison, je revenais de Khan Younes lorsque les bombardements ont commencé, raconte Ahmad El Khatib, 40 ans, père de cinq enfants en bas âge. J'ai demandé au chauffeur de taxi de me déposer près de la boulangerie habituelle, mais j'ai été surpris de voir l'énorme masse humaine qui attendait. J'ai dû attendre plus de deux heures et demie avant d'être servi. J'ai dû partager le pain avec un de mes voisins. Lui, il est parti en chercher mais un peu en retard et a trouvé les boulangeries fermées.» 18h. La nuit tombe sur Ghaza, les rues se vident. Les avions israéliens continuent de sillonner le ciel. Tout au long de la nuit, les sirènes des ambulances et le vrombissement des moteurs des drones perturbent le sommeil des habitants. 21h30. La France appelle Israéliens et Palestiniens à éviter l'escalade de la violence. 22h30. L'ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU, Susan Rice, a déclaré que «rien ne justifiait la violence à laquelle ont recours le Hamas et d'autres organisations terroristes contre le peuple israélien. Israël, comme toute autre nation, a le droit de se défendre contre de telles attaques brutales».L'Egypte rappelle son ambassadeur à Israël. 22h51. Des témoins rapportent que les militaires israéliens se massent à la frontière avec la bande de Ghaza. L'Etat hébreu autorise la mobilisation de ses réservistes. -Jeudi 7h30 . Les obsèques de Ahmad Al Jaabari débutent à Ghaza. Selon Gregory Philips, journaliste sur place, il y a peu de monde, les «gens ont peur». On entend des tirs de kalachnikov. 8h05. Trois Israéliens sont tués par une roquette tirée sur la ville de Kyriat Malachi, tout près de la bande de Ghaza, dans le sud d'Israël. Des salves de roquettes, tirées de Ghaza, tombent sans discontinuer sur le sud d'Israël, causant des dégâts matériels. 8h30. Fares Chahine : «Je suis descendu acheter le petit-déjeuner, j'ai trouvé des falafel. Ici, quand on sent que les problèmes sont sérieux, on sort faire quelques réserves de produits de première nécessité. C'est instinctif. J'ai fait le plein moi aussi. On a l'habitude, la guerre nous a appris des choses. La télévision et la radio fonctionnent. Hier nous n'avons pas eu de coupure de courant.» «J'ai vendu en moins d'une heure, autant de farine, de sucre, de thé, de lait, d'huile et de boîtes de conserve qu'en 48 heures», confie Oum Mhamad, propriétaire d'une épicerie du quartier El Nasr, à l'ouest de la ville de Ghaza. «Tout le monde croit que c'est un nouvel épisode de la guerre de l'hiver 2008, particulièrement sanglante, au cours de laquelle personne ne pouvait prétendre être en sécurité. Si les clients continuent à affluer de la sorte, je devrais réapprovisionner l'épicerie. Pourvu que les grossistes acceptent de nous envoyer de la marchandise.» 10h30. Fares Chahine : «Un F-16 vient de bombarder mon quartier, près du centre-ville, du côté ouest de la bande de Ghaza. Mon fils Ahmed jouait au foot dans la cour avec les voisins. Je leur ai crié de rentrer. C'est dangereux, les Israéliens ont déjà visé des enfants qui étaient regroupés dans la rue. Et puis un F-16, c'est effrayant. L'explosion est énorme. Depuis hier, on essaye de rassurer les enfants, mais c'est impossible de prendre des mesures de sécurité. Ici, nous n'avons pas d'abri. Aujourd'hui, c'est jour de fête, l'anniversaire de la proclamation de l'indépendance de la Palestine. Il y a du monde dans la rue, même si la circulation est moins importante que d'habitude.» 10h50 . Après le rituel funéraire de Ahmad Al Jaabari, plusieurs milliers de personnes sortent de la mosquée. Dans la foule, les militants du Hamas appellent à la vengeance. Pendant ce temps, le bombardement de la zone sud de Ghaza continue. Deux personnes sont tuées à Jibaliya. 11h30. Le président palestinien Mahmoud Abbas (à la tête de la Cisjordanie mais pas de la bande de Ghaza, dirigée par Hamas depuis 2007) met un terme à sa tournée européenne. Il était parti chercher des soutiens à sa démarche pour élever la représentation de la Palestine à l'ONU. 11h40. Une roquette palestinienne touche la ville israélienne de Sderot. Un bilan du Hamas estime que depuis le début de l'offensive, la bande de Ghaza a subi 150 frappes. 12h07. .Des tirs provenant de Syrie touchent la partie du plateau du Golan occupée par Israël, sans faire de blessé. 12h21. L'Egypte juge inacceptable l'«agression» israélienne contre Ghaza. Après avoir rappelé son ambassadeur, le président Mohamed Morsi déclare à la télévision : «Les Israéliens doivent réaliser que cette agression, nous ne l'acceptons pas et qu'elle ne peut mener qu'à de l'instabilité dans la région.» 12h30. Fares Chahine : «Après une heure d'accalmie, les bombardements ont repris, on entend les sirènes des ambulances. On a appris que des Israéliens avaient été tués ce matin. Je ne suis pas tranquille, je m'attends à une escalade plus dangereuse et plus forte. Je viens de recevoir un coup de téléphone de mon frère à Alger, il s'inquiète. Nous recevons des messages de sympathie sur les réseaux sociaux, ça remonte le moral. Mes deux filles sont à la maison. Elles sont étudiantes. Elles sursautent et deviennent pâles à chaque explosion. Quant à mon fils, je crois qu'il est ressorti jouer au foot. La vie continue.» 12h34. Pour Londres, Hamas est «le principal responsable» de la crise. «Je condamne totalement les attaques à la roquette depuis Ghaza vers le sud d'Israël, menées par le Hamas et d'autres groupes armés», a déclaré William Hague, le ministre britannique des Affaires étrangères. Elles «créent une situation intolérable pour les civils israéliens» qui ont «le droit de vivre sans peur d'être attaqués depuis Ghaza», a-t-il ajouté. 12h40. Sur Twitter, @sallyidwedar, une habitante de Ghaza, explique que la plupart des magasins sont fermés, même s'ils ont du stock. Elle a acheté de quoi tenir trois semaines. Les taxis se font rares. @IsmaeilFadel parle, lui, de dizaines de bombes qui continuent de tomber. 12h45. La Russie estime que les bombardements d'Israël dans la bande de Ghaza sont une réaction «disproportionnée» aux attaques également «inacceptables» du Hamas. 13h15. A Ghaza, les coupures d'électricité commencent. Le Caire ouvre la frontière de Rafah pour permettre l'évacuation des Palestiniens blessés. Le niveau d'alerte a été élevé dans les hôpitaux du nord du Sinaï. 14h20. Khaled Mechaal, le chef en exil du mouvement palestinien Hamas, estime qu'Israël ne l'emportera jamais à Ghaza. «Cet ennemi est faible», a-t-il déclaré lors d'une conférence réunissant, à Khartoum, des islamistes soudanais. 15h15. Fares Chahine : «Le courant est coupé depuis plus d'une heure. Nous sommes coupés du monde. J'écoute les radios locales sur mon téléphone portable. Elles diffusent des informations en direct, entrecoupées de chants patriotiques. Les bombardements continuent. On voit passer des drones dans le ciel. A 70 mètres de l'appartement, j'ai vu des ouvriers qui continuaient à couler une dalle sur le toit d'un immeuble, comme si de rien n'était. Je suis assis sur le palier avec mes voisins. Nous buvons du thé et nous fumons le narghilé. Les enfants jouent ensemble. Les voisins doivent décider ce que nous allons faire pour l'électricité. Dans l'immeuble, nous avons un groupe électrogène, mais le carburant est insuffisant.» 15h25. Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a assuré, lors d'une conférence de presse télévisée, que l'Etat hébreu allait «continuer à prendre toute action nécessaire pour défendre sa population» des roquettes de Ghaza. 15h37.Le Hamas rejette toute discussion de trêve avec Israël. 16h. Les médias rapportent que des manifestations de protestation contre le bombardement de la bande de Ghaza ont lieu au Royaume-Uni, en France, en Italie, au Maroc, en Tunisie, en Turquie, en Egypte et au Canada. 16h50.Le Premier ministre égyptien, Hisham Qandil, annonce qu'il se rendra à Ghaza aujourd'hui. 17h15. Sur Twitter, le compte des forces de défense israéliennes est suspendu pendant 40 minutes pour appel à la violence. 17h20. Fares Chahine : «Nous avons rétabli le courant grâce au groupe électrogène. Mais nous n'aurons que deux heures d'électricité. Le carburant manque et le prix a augmenté depuis hier. Alors nous allons pomper des réserves d'eau pour 24h et nous arrêterons le groupe électrogène. En ce moment, c'est calme, mais je crois que les Israéliens sont en train de préparer quelque chose. Je crains une incursion terrestre, et là, c'est le massacre assuré.» 17h30. Sur Twitter, @benotman annonce que les forces de sécurité israéliennes se préparent à entrer dans Ghaza. 17h54. Une roquette tirée depuis Ghaza touche le port de Jaffa, près de Tel-Aviv. C'est la première fois depuis la guerre du Golfe de 1991 qu'une roquette atteint la capitale israélienne. 18h45. L'aéroport de Tel-Aviv est fermé par les autorités israéliennes. 19h20. Une très jeune palestinienne décède de ses blessures à Ghaza. Israel autorise le rappel de 30 000 réservistes. 19h50. Les bombardements s'intensifient sur la ville de Ghaza. Des témoins rapportent des mouvements de troupes israéliennes en direction de la bande de Ghaza.