-Pourquoi les Israéliens ont-ils décidé d'assassiner Ahmad Al Jaabari, alors qu'il négociait un cessez-le-feu avec eux ? Il ne négociait pas directement un cessez-le-feu avec Israël, il le faisait par l'intermédiaire de l'Egypte. Les Israéliens ont décidé de l'éliminer après l'attaque à la roquette tirée contre une jeep de l'armée israélienne. Ce tir apportait la preuve à l'armée israélienne de la possession par Hamas d'armes de fabrication iranienne et cela, les responsables du Shin Bet (les services de sécurité) ne pouvaient pas l'accepter. Ils ont saisi cette occasion pour faire d'une pierre deux coups : ils ont d'une part assassiné le cerveau de l'enlèvement du soldat Shalit, qui est resté pendant 5 ans entre les mains du mouvement Hamas, et d'autre part ils ont voulu tester la capacité de réaction de Hamas. Les Israéliens veulent savoir quel genre d'armes l'organisation a en sa possession. -Hamas s'est-il fait piéger par les Israéliens ? Tout à fait. Hamas s'est laissé berner par les déclarations des responsables israéliens qui affirmaient ne pas avoir l'intention de lancer des attaques contre Ghaza. Le mouvement a aussi un peu trop compté sur l'arrivée au pouvoir des islamistes en Egypte. Il a cru que les islamistes égyptiens allaient lui assurer la protection nécessaire et que les Israéliens ne tenteraient pas de se mettre à dos le président égyptien Morsi. Mais en réalité, les Israéliens ont profité de la cacophonie qui règne actuellement dans ce pays pour agir. En outre, on peut estimer que Ahmad Al Jaabari, qui était recherché par les Israéliens depuis des années, avait relâché ces derniers temps sa vigilance. Il avait effectué cette année le pèlerinage à La Mecque, sachant que cela pouvait lui être fatal. Cette perte, qui est un coup dur pour le mouvement Hamas, ne va pas influer sur la capacité de l'organisation à réagir. Pour preuve, la direction de Hamas a affirmé qu'elle refusait toute idée de trêve avec Israël. -Quelle peut être la réaction de Hamas : déclarer la guerre à Israël ou encaisser le coup ? Hamas n'a pas beaucoup d'options. Il ne peut pas faire la guerre à l'Etat hébreu. Il ne peut que tirer des missiles et des roquettes. Il va continuer à le faire pour harceler Israël. Cette stratégie est possible à long terme, parce que l'organisation peut compter malgré tout sur l'appui de l'Egypte. D'ailleurs, la réaction égyptienne à l'assassinat de Ahmad Al Jaabari a été immédiate. Le gouvernement égyptien a décidé le rappel de son ambassadeur et de maintenir ouvert le passage de Rafah toute la journée, alors qu'il ne l'était, avec l'ancienne équipe au pouvoir, que pendant quelques heures. Cette décision est très importante pour Hamas car cela va lui permettre d'évacuer ses blessés, de recevoir une aide logistique et matérielle pour les civils. -Israël vient de masser des chars à la frontière avec Ghaza. Une intervention terrestre est-elle envisageable ? C'est une option envisagée mais non souhaitée par l'armée israélienne, qui craint de perdre des hommes au combat. Israël tente de trouver un accord avec Hamas pour éviter l'escalade. Les Américains font pression sur les Egyptiens pour qu'ils poussent Hamas à trouver un accord. L'intervention terrestre ne sera envisagée par l'Etat hébreu qu'au cas où les missiles que tire le mouvement de résistance font des victimes. Il ne faut pas oublier qu'il y a des élections législatives en janvier en Israël et que le Premier ministre Netanyahu ne peut pas se permettre d'être en campagne avec de lourdes pertes humaines. -A Ghaza, comment vit-on cette nouvelle escalade ? Les Ghazaouis sont terrés chez eux. Les ruelles sont vides. Les funérailles de Ahmad Al Jaabari n'ont été suivies que par une centaine de fidèles, alors que c'est un héros.