Des réserves de plus de 20 000 pièces issues de la civilisation musulmane. Au moment où l'Islam parcourt quotidiennement l'actualité, faisant l'objet de visions souvent erronées et passionnées, rarement apaisées, il est salutaire que l'histoire, l'archéologie et la muséologie s'efforcent de rétablir, avec la rigueur de leurs démonstrations, et la profondeur de leur démarche, la véritable dimension d'un univers qui demeure largement méconnu. C'est pourquoi l'ouverture du Département des Arts Islamiques, le huitième du musée le plus visité au monde – avec près de 9 millions d'entrées en 2011 –, constitue un événement qui mérite l'intérêt de tous ceux qui s'intéressent à la civilisation musulmane, car c'est celle-ci qui est présentée ici, plus que la religion elle-même qui relève d'aspects spirituels difficiles à matérialiser. C'est le président Jacques Chirac qui a lancé ce projet, de même qu'il a initié celui du Quai Branly consacré aux arts dits «premiers». C'était en 2003, durant l'Année de l'Algérie en France, mais plusieurs commentateurs y avaient vu alors un simple effet d'annonce politique. Nicholas Sarkozy a posé la première pierre du chantier de cet espace de plusieurs niveaux qui s'étend sur près de 3000 m². Et c'est François Hollande, enfin, qui a eu le privilège de l'inaugurer il y a deux mois. Neuf années ont donc été nécessaires à la réalisation de l'espace conçu avec audace et talent par les architectes Mario Bellini et Rudy Ricciotti dans «le mouchoir de poche» de la Cour Visconti du musée avec les meilleurs équipements muséographiques et une scénographie de haute facture. Le budget s'est élevé à près de 99 millions d'euros, en partie financé par l'Etat français mais relevant à 57% d'un mécénat essentiellement arabe. Le donateur principal est, en effet, la Fondation saoudienne Alwalled Bin Talal et l'on compte aussi, dans ce financement, le Roi du Maroc, l'Emir du Koweït et le Sultan d'Oman, de même que la République d'Azerbaïdjan, les Fondations Total et Orange, le groupe Lafarge, etc. Aujourd'hui, ce nouveau Département du Louvre offre à voir environ 3000 œuvres rares et prestigieuses, matérialisant et illustrant différentes étapes de l'art islamique (du VIIIe au XIXe siècles), sur quasiment l'ensemble des aires géographiques concernées, soit de l'Inde à l'Espagne avec, cependant, l'absence de pièces relevant de l'Islam en Afrique subsaharienne dont le Louvre est dépourvu. Cette sélection s'est effectuée sur la base des réserves énormes du musée qui comportent 18 000 pièces d'art islamique auxquelles sont venus s'ajouter 3500 autres provenant du Musée des Arts Décoratifs de Paris et concédées en 2005 sous forme de mise en dépôt au Louvre. Cette collection faramineuse contient des œuvres d'un raffinement artistique et d'une ingéniosité technique souvent inouïes et l'on peut avoir un aperçu de leur richesse et de leur consistance en visitant le site Internet du Louvre. Mais, pour ceux qui vivent ou passent par la capitale française, le détour en vaut la peine. Et, déjà, ce département, par sa nouveauté mais surtout sa thématique et ses contenus, attire un grand nombre de visiteurs qui se déplacent spécialement pour lui.