La passion de la justice anime toute l'œuvre de Mouloud Achour depuis les premiers récits du Survivant jusqu'aux nouvelles du Retour au silence, depuis Les dernières vendanges jusqu'aux Jours de tourments : elle s'élève contre «l'injustice qui est faite à l'homme». Journaliste, nouvelliste et romancier, Mouloud Achour est l'un des témoins «privilégiés» de ces cinquante années de l'Algérie indépendante. Son dernier recueil de nouvelles, Le retour au silence, décrit, en même temps que les fondements de la révolte individuelle et collective, les dangers du totalitarisme politique, de l'intolérance religieuse, des comportements irrationnels et des déviations «sociétales», notamment celles du début de ce vingt-et-unième siècle. La nouvelle Le retour au silence, choisie par l'écrivain comme titre à son recueil, résume tout «le malheur algérien». Tandis que «le poète Mehdi» espérait se concrétiser ses idées de liberté, de justice et de progrès après les sanglantes ténèbres» (p.90), «des manœuvriers sans scrupule avaient entrepris, très tôt, à l'abri d'une légalité soigneusement domestiquée et d'une légitimité fabriquée de toute pièce, de faire main basse sur le meilleur du pays » (p.91). «Si Mounir», décrit dans le récit intitulé : Si mon père revenait, appartient à ces «dinosaures» de l'Algérie contemporaine. «Richissime commerçant et homme d'affaires», il s'était construit même une légende de «moudjahid» alors qu'il «n'avait jamais mis les pieds au maquis durant la guerre de libération » (pp.65/66). Bachir l'écrivain l'apprend à ses dépens. Ce lugubre personnage se croit tout permis. Même les écrivains comme lui sont aux yeux de Si Mounir de «simples nègres» (p.67). Cependant, Mehdi, Bachir et les autres héros de Mouloud Achour «savent» que si le mal ne peut être jamais définitivement vaincu, il y a toujours pour l'homme, pour l'Algérien, des victoires possibles, à condition de ne jamais renoncer à la lutte. C'est sur l'aspect positif de la lutte et la possibilité d'une victoire, même temporaire, qu'insiste Mouloud Achour. Même «Rached le Palestinien, déchiqueté par l'explosion terrifiante d'une voiture bourrée de dynamite en plein centre d'une capitale européenne, était armé de la tranquille certitude de parvenir à la conquête de ces justes horizons» (pp.119/120). «Le regard de Rached», même éteint à la fin de la nouvelle du même titre, a inculqué au «narrateur» cette conviction de lutte ininterrompue. Mais Mouloud Achour parle aussi d'amour et de chaleur humaine. L'amour de la vie est exprimé dans certaines de ses nouvelles avec intensité, avec fièvre, avec frénésie, avec rage. Dans Le club des égarés (p.173), la société apparaît odieuse, mais les personnages présentés par le nouvelliste essayent tous de «vivre». La vie ? «Une longue histoire !», confessait la romancière : «Je l'aimais. Il est entré dans mon cœur dès le premier instant (…). Nous n'avons pas plus mangé au restaurant que dormi toute la nuit dans la chambre d'hôtel…» et même si le narrateur du Dernier printemps (p.133) a bien compris que «le mal est sur point de triompher (…), que la thérapeutique a avoué son échec», il insiste pour voir Radhia. « Après quoi, je m'en irai, l'âme en paix, se disait-il à lui-même.» Le retour au silence est une œuvre qui témoigne, avec lucidité et passion, du bruit et de la fureur de la société algérienne. 1) – Edition Casbah-Alger 2012. M. Achour a publié, entre autres, Le survivant (nouvelle), Les dernières vendanges (récit), Jours de tourments (roman), etc.