Des militants des droits humains venus d'Amérique latine, dont les pays ont été parmi les premiers à instaurer des commissions «vérite et justice», ont apporté leurs témoignages. Un important séminaire s'est tenu hier sur les hauteurs d'Alger sur le thème : «La recherche de la vérité et la lutte de la société civile». Ce séminaire a été organisé à l'initiative de la Coalition d'associations des victimes du terrorisme et des disparitions forcées, coalition qui regroupe le Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie (CFDA), l'association Djazaïrouna et l'association Somoud. Les organisateurs n'ont pas souhaité que nous divulguions le lieu de cette rencontre, et ce, afin de déjouer d'éventuelles pressions des autorités. Plusieurs communications de qualité étaient au menu de ce conclave, à commencer par celle de l'éminent juriste Madjid Benchikh, professeur de droit international et ancien président de la section d'Amnesty International à Alger, qui héritera de la charge d'introduire le sujet. «Le titre de ce séminaire est très significatif. C'est le cri de toutes les familles des victimes des disparitions forcées et des victimes du terrorisme. C'est ce que le pouvoir appelle ‘‘la tragédie nationale'' pour envelopper l'ensemble des drames qui ont émaillé cette décennie», dit-il d'emblée, avant d'ajouter : «Les familles sont confrontées à de grandes difficultés face au pouvoir politique, à l'administration, parfois aussi face à la société, dans leur recherche de la vérité sur le sort de leurs enfants (…) Tout concourt pour créer des obstacles à cette quête de vérité.» Et de saluer le remarquable travail des associations qui militent pour faire toute la lumière sur cette séquence tragique de notre histoire. «Cette lutte, c'est comme des petits ruisseaux qui forment un grand fleuve. Nous espérons arriver ainsi à arracher la vérité. Il en est de cette quête comme de la lutte pour les libertés et les droits humains : c'est quelque chose qui ne se donne pas !», martèle-t-il. L'intervention liminaire du professeur Benchikh sera suivie par celles de Cherifa Keddar, présidente de Djazaïrouna, et Nassera Dutour, porte-parole du CFDA. La suite de la matinée a été consacrée aux témoignages extrêmement édifiants de deux militantes des droits humains venues d'Amérique latine, et dont les pays ont été parmi les premiers à instaurer des commissions «vérité et justice» après avoir subi dans leur chair les affres de la dictature militaire. Claudia Josi évoquera, en l'occurrence, l'expérience péruvienne en matière de recherche de la vérité, tandis que Ruth Llanos parlera, quant à elle, du très instructif cas bolivien. La session de l'après-midi a été dédiée à l'examen des aspects juridiques et scientifiques de la recherche de la vérité dans un contexte de violence politique. Amine Sidhoum, coordinateur du Réseau des avocats pour la défense des droits de l'homme (RADDH), a fait, à ce titre, un focus sur «les obstacles de la justice à la recherche de la vérité». Au programme également une communication de l'anthropologue Tania Delabarde qui est intervenue par vidéo-conférence sur le thème : «La recherche de la vérité par les méthodes scientifiques». Pour sa part, Karima Benoune, professeur de droit international à l'université de Californie, s'est penchée sur la question de la vérité dans son rapport au travail de mémoire et de documentation. A noter enfin le témoignage saisissant d'une mère d'un disparu, Mme Fatma-Zohra Boucherf. Un séminaire des plus denses, donc – vous l'aurez compris –, et sur lequel nous reviendrons avec de plus amples développements dans notre prochaine édition.