Problème de gouvernance, manque d'encadrement ou insuffisance des ressources financières, les facteurs pouvant expliquer les difficultés chroniques dans lesquelles se débattent les plupart des communes du pays ne manquent pas. Le gouvernement a effacé plus de 30 milliards de dinars de dettes des communes en 2006, permettant au nombre de communes déficitaires de passer de 1138 en 2006 à 14 en 2010. Pourtant, les maires mettent souvent en avant l'insuffisance de leurs ressources financières pour répondre aux besoins des habitants de la commune. Et d'ailleurs, le nouveau code communal reconnaît explicitement (art 172) que la commune souffre de «l'insuffisance de son revenu par rapport à ses missions et attributions». Pour expliquer cette situation, le ministère de l'Intérieur et des collectivités locales, Dahou Ould Kablia, avait imputé dans l'une de ses déclarations le déficit des communes à «la centralisation des activités économiques, qui a conduit à une distribution inéquitable de l'assiette fiscale, ainsi qu'à un endettement répétitif des communes». Il faut savoir qu'environ 15% des recettes fiscales de l'Etat sont reversées aux communes. Elles bénéficient notamment de «40% de l'impôt forfaitaire unique, appliqué à tous les commerçants dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas les 10 millions de dinars», précise une source fiscale. En outre, il y a la Taxe sur l'activité professionnelle (TAP), de l'ordre de 2% qui est partagée entre la commune (1,3%), la wilaya (0,59%) et le Fonds commun des collectivités locales (FCCL). A côté de la TAP, il y a la taxe foncière appliquée aussi bien aux particuliers qu'aux entreprises industrielles et commerciales et la taxe d'assainissement. A cela, il faut ajouter les ressources censées être allouées par le FCCL aux communes les plus pauvres dans le cadre de la solidarité intercommunale. @Toutefois, remarque Noureddine Bahbouh, président de l'Union des forces démocratiques et sociales, «la fiscalité locale n'a jamais été appliquée correctement, le FCCL ne joue pas son rôle et la centralisation ne permet pas d'assurer une répartition équitable des ressources». Dépendance A ce propos, une étude publiée en 2008 par Samir Boumoula, professeur d'économie à l'université de Béjaïa sur les finances des communes avait relevé que plus de 95% des communes souffraient au début des années 2000 de déficit dont le montant global «est passé de 250 millions de dinars en 1999 à 31,5 milliards de dinars en 2006». Parallèlement, les subventions du FCCL avaient emprunté le chemin inverse puisque son taux de couverture «est passé de 100% en 1999 à 49,8% seulement en 2006». Selon cette étude, «les ressources communales sont à hauteur de 80% fiscales, mais entièrement dépendantes de l'Etat au point de vue assiette, taux, et perception». Bien que les communes sont censées bénéficier d'une autonomie financière, cette dernière n'est que «partielle», estime le professeur Salah Eddine Cherrad, doyen de la faculté des sciences de la terre et de l'aménagement du territoire de Constantine. Par ailleurs, le FCCL devant organiser la solidarité intercommunale «est lui-même faiblement pourvu en dotations financières. Sa contribution est ponctuelle et sélective et il y a donc nécessité d'en créer d'autres avec des objectifs et des programmes ciblés», dit-il Face à cette situation, les maires se plaignent d'avoir les pieds et les poings et pas suffisamment de latitude pour agir. Il faudrait leur «permettre de proposer par exemple des incitations fiscales permettant d'attirer les investisseurs», estime M. Bahbouh. Décentralisation «limitée» ! Pour l'heure, comme le souligne ce chef de parti, «le maire qui est censé s'occuper du développement local, n'a pas le pouvoir de décision, puisqu'il est soumis à des décisions administratives et géré par une instance qui n'est pas une émanation du peuple». Or, comme l'explique le professeur Cherrad, le fait que les communes soient «dépendantes du budget de l'Etat constitue un frein à leur développement en ce sens que le choix des priorités n'est pas perçu de la même manière entre les élus et l'administration». Pour qu'il puisse en être autrement, il «faudrait que le maire ait les pleins pouvoirs, car actuellement ses prérogatives sont totalement diminuées», regrette M. Bahbouh. Il s'agit d'une question de «décentralisation sérieuse du pouvoir». Et c'est «la seule manière de faire en sorte que le maire soit responsabilisé, tout en prenant des mesures coercitives en cas de défaillances». Le fait est que pour l'heure «c'est une décentralisation partielle, limitée et sous surveillance en matière de gestion des communes», souligne le professeur Cherrad. Pour M. Sahli, en revanche, «la décentralisation existe dans les textes, le nouveau code des communes a réglé cette question. Ce qui reste maintenant, c'est de choisir des candidats de qualité susceptibles d'assumer la fonction de maire à travers une formation politique et académique leur permettant de mettre à profit les larges prérogatives qui leur sont conférées». Force est de constater que le problème des communes n'est pas seulement financier, il est également lié aux compétences des ressources humaines. Selon une contribution du professeur Kouider Boutaleb, (La problématique de la décentralisation et de la démocratisation de la gestion des biens et services collectifs dans l'optique d'un développement durable : le cas de l'Algérie), les communes souffrent d'un «manque flagrant en matière d'encadrement, ce qui entrave leur bon fonctionnement». Le taux d'encadrement serait ainsi «de 2%» des effectifs, alors qu'il «devrait se situer à hauteur de10%». La dernière étude du PNUD (2006) sur la pauvreté en Algérie avait identifié 177 communes vivant dans des conditions d'extrême pauvreté, avec 70% des pauvres localisés dans les zones rurales.