Développement local, responsabilité de l'élu, de l'administration ou du citoyen ? Le Front des forces socialistes (FFS) ouvre le débat et situe les responsabilités de chacun. Mohand Amokrane Cherifi (conseiller principal de l'Unitar et président du comité d'éthique au FFS), le professeur Abdelhamid Aberkane (ex-ministre et candidat du FFS à la mairie d'El Khroub, à Constantine) et Belkacem Benameur (député FFS et ex-P/APC de Naciria) se sont relayés pour dire ce qui est et ce qui devrait être dans la gestion de nos communes. Le constat fait par tous est que la responsabilité est partagée par tous ces acteurs, mais que seule une décentralisation des pouvoirs serait à même de libérer les initiatives et de donner corps à un réel développement local et par conséquent national. Expliquant d'abord le choix de porter les couleurs du FFS dans la course aux locales, le professeur Aberkane estime qu'«il est important pour l'avenir du pays d'appartenir et faire valoir les idées de ce parti, pour renforcer l'unité nationale et faire face aux desseins qui sont programmés pour nous. Les citoyens du Khroub sont conscients de cela et partagent les valeurs du FFS», en notant avoir divorcé avec le FLN mais pas avec les citoyens. Le même professeur, qui est revenu sur son passage au gouvernement, précise qu'il croyait pouvoir apporter quelque chose à son pays, mais c'était sans compter sur la nature fermée du système qui bloque toute initiative libre. Un système malade de son inertie. Belkacem Benameur souligne, pour sa part, qu'on ne peut dissocier la gestion des collectivités locales du système global. «Le maire se trouve en termes de responsabilité responsable de tout, mais en termes de moyens, tout reste géré par le pouvoir central.» M. Benameur estime que cette situation arrange le pouvoir, car «ce n'est pas dans l'intérêt d'un pouvoir dictatorial de libérer la gestion et les institutions et donc laisser libre cours à la mobilisation des citoyens pour construire une alternative». Mohand Amokrane Cherifi, point focal aux Nations unies pour les collectivités locales, dont c'est le métier d'évaluer les pays sur la base du baromètre du développement local, souligne qu'«il ne peut y avoir de développement s'il n'y a pas de décentralisation effective». «Le développement local passe par l'application du principe de subsidiarité, c'est-à-dire que toute commune qui peut faire quelque chose à son niveau, qu'elle le fasse», note l'expert en précisant qu'il n'existe aucune municipalité au monde qui puisse fonctionner sans ressources financières. Le Fonds de péréquation, un leurre «Les ministres disent que l'Etat a assuré les besoins de chaque commune à travers le Fonds de péréquation. Or, les compensations de ce fonds sont très limitées et le mécanisme de disposition de ce fonds est très lent, ce qui fait que la commune reste sans ressources. Même en Bolivie, que je connais bien, les impôts sont levés au niveau de la commune qui les dépense pour ses propres besoins. Qu'est-ce qui empêche aussi de permettre aux communes de contracter des crédits bancaires ? C'est aussi une solution», explique M. Cherifi. Ce dernier plaide aussi pour la facilitation de la coopération entre les communes algériennes avec des communes par exemple de pays émergents, comme le Brésil, pour trouver des solutions à des problèmes objectifs. «On est dans la mondialisation, on ne peut pas aller à contre-courant. Même en Chine, cela se fait. Il est inconcevable qu'un maire ne puisse pas voyager sans l'autorisation du wali ou du ministre de l'Intérieur.» M. Cherifi note, par ailleurs, que les pouvoirs qui sont donnés aux administrations, wali et daïra, sont tels qu'ils croient devoir faire des contrôles a priori et non a posteriori. «Que peut faire le maire si l'on contrôle son projet avant de le mettre à exécution ? C'est ce qu'on appelle bloquer les initiatives», indique l'expert, qui appelle aussi les élus à être les plus proches des citoyens. Abdelhamid Aberkane enchaînera pour dire que le premier objectif du conseil communal est de donner la parole aux citoyens. «Il n'y a pas un poste plus compliqué et défavorisé que celui de maire. C'est la confiance des citoyens qui donne de la force au maire pour pouvoir affronter l'administration», plaide-t-il. M. Aberkane se souvient qu'il y a 15 ans, alors que la commune de Khroub qu'il dirigeait avait passé un accord de coopération avec la municipalité de Mulhouse, une lettre lui est parvenue du wali lui assénant l'ordre d'arrêter cette coopération et de l'informer de ses déplacements quand ils dépassent 25 km ! «L'idée est donc de faire croire qu'on est censé travailler pour l'administration, wali, chef de daïra. D'où l'importance aujourd'hui de donner de la force à la voix du citoyen.» Belkacem Benameur estime quant à lui que «tout est fait pour qu'on nous pousse à régler des questions d'urgence. Même l'Etat avec toutes ses institutions répond seulement aux urgences». M. Cherifi reprendra la parole pour critiquer l'absence de vision stratégique chez nos gouvernants : «Le développement se fait de bas en haut avec la population et pas pour la population. L'économie a changé de paradigmes. Pourquoi ne pas revenir à l'idée de créer 9 grandes régions économiques, chacune selon ses spécificités géographiques et vocations économiques ? Il est important de penser le développement en l'adaptant à chaque région, ne pas avoir une politique fiscale unique, annuler par exemple l'impôt dans les régions les plus arides et défavorisées et surtout libérer les initiatives. La démocratie est la clé du développement.»