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dans l'engagement d'Ançar Eddine et du MNLA pour la paix, l'Algérie a beaucoup aidé Djibril Bassolé. Ministre burkinabé des Affaires étrangères, émissaire de la Cédéao pour la crise au Mali
Alors que des représentants du gouvernement malien, du MNLA et d'Ançar Eddine doivent se rencontrer cette semaine à Ouagadougou, Djibril Bassolé fixe les positions de la Cédéao. El Watan Week-end a rencontré l'émissaire des Etats d'Afrique de l'Ouest. -Considérez-vous qu'avoir amené le MNLA et Ançar Eddine à la table des négociations soit un succès diplomatique pour le Burkina Faso ? C'est une étape positive vers l'établissement d'un dialogue fructueux. Ces deux mouvements touareg avaient des divergences très profondes sur la nature même de leurs revendications : le MNLA demande l'indépendance et la création d'un Etat alors qu'Ançar Eddine ambitionne d'appliquer la charia sur toute l'étendue du territoire. Cependant, nous avons considéré que ces deux revendications, aussi paradoxales et divergentes soit-elles, étaient des revendications politiques exprimées par des Touareg. En tant que médiation de la Cédéao, nous nous devions d'essayer de créer une cohésion entre les Touareg pour les amener à négocier avec le gouvernement de transition malien. On peut se féliciter de cette évolution, toutefois ce n'est pas la fin du processus. J'ose espérer que nous n'en sommes qu'au début d'un grand dénouement. Cette semaine, nous recevrons à Ouagadougou plusieurs délégations : celle du Mali, du MNLA et d'Ançar Eddine. Nous serons tous autour de la table du dialogue politique. -Quel rôle joue l'Algérie dans cette médiation ouest-africaine ? Pour nous, l'Algérie est un acteur régional important, en plus d'être voisin du Mali. Autant que les pays de la Cédéao, qui partagent aussi avec l'Algérie une grande frontière et, indéniablement, une histoire commune. Il est évident que nous ne pouvions pas ignorer l'Algérie dans le traitement de ce dossier délicat. J'ajouterai que l'axe Bamako-Alger s'est considérablement développé sur la gestion de ce dossier. Le Burkina Faso, en tant que représentation de la médiation de la Cédéao, avec l'Algérie, représentant les pays du champ, ont établi des concertations quasi permanentes. Prenons l'exemple de l'engagement commun du MNLA et d'Ançar Eddine pour une solution de paix : l'Algérie a beaucoup aidé dans ce sens. -C'est-à-dire ? Il me semble que l'Algérie, depuis le début, a prôné la solution du dialogue, et finalement cette option s'est avérée la plus efficace. Je crois que toutes les parties ont compris qu'il y a quelque chose à négocier. Nous voulons de ce dialogue, car les problèmes sont complexes. Ils datent d'avant la colonisation et ont perduré bien après l'indépendance. Nous devons aller vers une intégration de nos Etats. Aujourd'hui, l'Algérie et le Burkina Faso appuient cet axe de négociations, mais n'excluent pas l'usage de la force pour lutter contre notre ennemi. -Des cadres du Conseil transitoire de l'Etat de l'Azawad affirment qu'Iyad Ag Ghaly n'a apporté aucune preuve concrète de sa reconvention démocratique et de l'annulation de la pratique de la charia. Quel est votre sentiment ? Je me suis entretenu personnellement avec Iyad Ag Ghaly à Kidal (en août dernier, ndlr), qui m'a semblé profondément désireux de trouver une solution. De plus, les deux délégations d'Ançar Eddine qui sont venues à deux reprises à Ouagadougou ont été conduites par Alghabass Ag Intalla, qui était en contact quotidien avec Iyad Ag Ghaly. Je serais surpris qu'il se démarque des délégations qui représentent Ançar Eddine. -Pensez-vous, aujourd'hui, qu'Ançar Eddine, considéré comme groupe armé terroriste affilié à Al Qaîda, puisse gagner la confiance de la communauté internationale sous prétexte qu'il se démarque de la nébuleuse terroriste ? Je ne classerai pas Ançar Eddine dans la catégorie «terroriste» à ce stade. Pour nous, Ançar Eddine est un mouvement touareg, qui a une revendication précise, politique, portant sur l'application de la charia. Cependant, nous avons toujours reproché à Ançar Eddine ses connections opérationnelles, opportunistes, avec des groupes terroristes. Ceci dit, même le MNLA, en son temps, a pu bénéficier du soutien militaire des éléments d'Aqmi. Je pense que le MNLA et Ançar Eddine doivent prendre leurs dispositions politiques et diplomatiques pour se démarquer totalement des groupes terroristes qui se composent d'éléments venus de l'extérieur, profitant du chaos afin de faire prospérer leurs affaires criminelles. -Croyez-vous une intervention militaire dans la région raisonnable ? Bien sûr. J'y crois, à condition toutefois que cette intervention militaire s'inscrive dans une approche politique cohérente. Si nous réussissions, avec le gouvernement malien de transition et les groupes concernés, à réunifier politiquement le pays, à réconcilier les Maliens et à fixer un agenda de résolution de cette crise, l'intervention militaire sera très certainement mise en place juste pour lutter contre le phénomène de criminalité transfrontalière organisée et du terrorisme. Ce sont nos principales cibles, et non pas les communautés ou une religion. -La médiation burkinaise n'a donc pas modéré la course vers une intervention militaire ? La Cédéao s'est attachée à régler les problèmes par le dialogue. D'abord en normalisant la situation institutionnelle de Bamako après le coup d'Etat du 22 mars, en amenant les jeunes capitaines de Kati à renoncer à la course au pouvoir et à rétablir les institutions démocratiques. Puis, toujours dans un processus de normalisation, nous avons fait appel aux mouvements armés du nord du Mali pour qu'ils stabilisent la situation, que nous puissions réunifier politiquement le pays et aller vers la création de conditions favorables à la tenue d'élections. C'est en tout cas notre mission. -S'appuyant sur l'avis d'experts, Romano Prodi a déclaré qu'aucune intervention militaire ne serait possible avant septembre 2013. Que pensez-vous de cette deadline ? Je ne crois pas qu'il faille s'attacher à une deadline particulière. Ce qui est important pour nous, c'est que l'intervention militaire soit efficace, et pour cela il faut qu'elle soit bien préparée dans le temps et dans l'espace, c'est-à-dire que les objectifs militaires soient précis. Ce travail-là, nous ne pouvons le réussir qu'avec le Mali et les partenaires au Nord. -Mais les exigences du MNLA et d'Ançar Eddine sont nourries par des convictions profondes et on a du mal à imaginer qu'ils y renoncent ainsi… Tout mouvement armé a des revendications maximalistes. Maintenant, c'est le rôle de la médiation de les amener à reformuler leurs doléances et trouver dans le compromis des solutions qui puissent satisfaire toutes les parties. -Quelle est votre position face au Mujao ? Nous n'avons pas mandat pour négocier avec un groupe à vocation jihadiste et terroriste. Si des représentants du Mujao venaient à approcher la table des négociations, très certainement, nous leur demanderons d'abandonner immédiatement tous les actes criminels perpétrés sur le terrain : les attentats, les prises d'otages, etc. Mais jusqu'à présent jamais le Mujao n'a souhaité négocier quoi que ce soit, ils n'ont pas de plateforme politique. -Que préconisez-vous face à la montée en puissance de ces groupuscules ? Nous sommes convaincus qu'une intervention militaire, tôt ou tard, avec ou sans accord, sera la solution pour éradiquer ce fléau régional. Aqmi et les autres groupes terroristes sont dans la région depuis plusieurs années. Ces groupes ont pu phagocyter les mouvements armés touareg et les déposséder de certaines villes, comme Gao, aujourd'hui. Il faut que nos frères touareg comprennent qu'ils sont allés un peu loin dans leurs exigences. Leur projet d'indépendance a fait le lit des groupes terroristes qui sont beaucoup plus forts qu'eux. Les incidents à Gao, et plus récemment à Ménaka, en sont la preuve. Nous demandons au Mali, à la Cédéao, à l'Afrique et aux Touareg de lutter ensemble contre cet ennemi commun.