La prudence est de mise mais l'annonce par Ançar Eddine' de l'envoi d'une délégation à Ouagadougou et à Alger pour « négocier la paix » pourrait être l'amorce d'un tournant dans la crise malienne qui va dans le sens de la démarche « politique » préconisée par Alger, avant tout traitement militaire. L'attitude à prendre à l'égard du groupe targui Ançar Eddine' est l'un des grands sujets de discorde entre Alger et Paris. Pour Alger, ils sont chez eux au nord du Mali et ne sont pas des intrus comme les groupes djihadistes comme Aqmi et le Mujao et doivent faire partie de la solution. A Paris où l'on a trop parié sur les « laïcs » du MNLA, laminés sur le terrain, Ançar Eddine' étaient assimilés à des terroristes, tout comme les autres organisations qui ont pris le contrôle du nord du Mali. Le débat restait, en apparence du moins, purement théorique puisque le groupe Ançar Eddine' que dirige Iyad Ghali et dont la prééminence était reconnue formellement par les autres groupes n'a pas clairement manifesté sa disponibilité à entrer dans le processus politique incluant Bamako et le MNLA défendu par Alger. En annonçant qu'il a envoyé, vendredi, à Ouagadougou et Alger, des délégations pour négocier «la paix», il fait un pas dans cette direction. Il est probable que la perspective, devenue presque certaine d'une intervention militaire, au nord du Mali, sous la bannière formelle de la Cédéao, a donné à réfléchir aux dirigeants d'Ançar Eddine. SOUS PRESSION «Nous sommes pour la paix, et pour la paix, il faut le dialogue», a déclaré un proche de Iyad Ag Ghaly, chef d' Ançar Eddine', en annonçant l'envoi de ces deux délégations. Ançar Eddine' ne se contente pas d'envoyer des délégations au Burkina Faso le Président Blaise Compaoré, médiateur de la Cédéao qui préfère une solution négociée devrait les recevoir et à Alger. Il compte également prendre attache avec le Nigeria, pays d'autant plus concerné que des informations, non confirmées, indiquent que le groupe Boko Haram' serait impliqué au nord du Mali. Le ministre des Affaires étrangères burkinabé, Djibrill Bassolé, a déjà rencontré, à Kidal, Iyad Ag Ghaly, qui avait affiché une disponibilité à accepter la médiation. Cette disponibilité paraît désormais renforcée par la menace de l'intervention militaire, devenue plus pressante avec l'aval du Conseil de sécurité qui a adopté, le 12 octobre dernier, en faveur du déploiement d'une force de quelque 3.000 hommes au Mali, soutenue sur le plan logistique par la France et les Etats-Unis. Le Conseil de sécurité a fixé à la Cédéao, la date du 26 novembre pour préciser ses plans. L'Algérie, faute de répondant d'Iyad Ghaly, semblait se résigner à cette perspective. UN TOURNANT ? Des experts algériens participent à des réunions à Bamako destinés à mettre au point «un concept d'opération» pour la force armée de la Cédéao, soutenue par l'ONU, en vue de reprendre le nord du Mali. Le geste, très médiatisé, d'envoyer des émissaires en Algérie, au Burkina et au Nigeria, augure-t-il d'un changement d'optique de la part d'Iyad Ghaly ? Certaines sources affirment qu'il serait prêt à prendre publiquement ses distances à l'égard d'Aqmi. Ce serait le grand retournement de situation que l'Algérie recherchait et sur lequel elle a persisté, malgré les pressions. Mais il faut rester prudent, les sables mouvants du Sahel peuvent réserver de grosses surprises.