Le pouvoir ne tient pas ses engagements, il vient de le prouver encore une fois et de la manière la plus honteuse. Les militaires, qui étaient censés voter par procuration et dans leurs communes d'origine, ont été encore une fois mobilisés par l'administration pour voter en masse hors de leurs communes. Des incidents et émeutes ont eu lieu dans différentes régions afin de protester contre le vote des militaires. Que peut donc valoir la parole d'un ministre qui s'était engagé il y a à peine dix jours pour que les militaires ne votent que par procuration ? Le Front des forces socialistes, qui avait interpellé le ministre de l'Intérieur et même le Premier ministre sur cette question, a constaté dans la journée du 29 novembre de nombreuses irrégularités dont «les plus graves concernent le vote des militaires et des corps constitués». «De trop nombreuses irrégularités ont été relevées par nos militants et nos candidats, elles ont même été entérinées par des commissions locales de surveillance, ceci à travers tout le pays», note le communiqué du FFS rendu public deux heures avant la fin de l'opération électorale. «Contrairement aux engagements pris par les autorités, les militaires n'ont pas voté par procuration dans leurs communes d'origine. Ils l'ont fait massivement et à travers les 48 wilayas, dans leur lieu d'affectation. Il est à noter qu'ici et là, la population s'est sentie acculée, allant jusqu'à empêcher temporairement le vote au niveau de certains bureaux», indique le FFS. Et d'énumérer d'autres manquements à la régularité du scrutin comme «la mise en circulation de bulletins de vote plusieurs jours avant le scrutin, des pressions et des intimidations à l'encontre des citoyens, des observateurs ou des militants, des urnes non scellées, l'absence des bulletins du FFS dans de nombreuses localités, des procès-verbaux vierges et signés remis à certains candidats, on a même pu relever l'absence des représentants des commissions de supervision au niveau de certains centres». Ce qui fait dire au FFS que «le scrutin du 29 novembre est loin de répondre aux standards internationaux en matière de sincérité et de régularité». Avant la fin du scrutin, le FFS avait exhorté l'administration à ne pas prendre en compte le vote des militaires et des corps constitués où les résultats seront faussés.Le Parti jil djadid avait lui aussi dénoncé le vote des militaires et donné l'exemple de la commune de Meftah dans la wilaya de Blida. «Nous dénonçons la manière dont s'est déroulée l'opération électorale dans de nombreux centres de vote où les militaires ont effectué un vote massif et orienté. Pas moins de 1000 agents et soldats ont voté à l'école Traykia, centre de vote numéro 11 dans les bureaux 11, 12 et 13.» Sur la base des rapports établis par les commissions de wilaya, la Commission nationale de surveillance des élections, la Cnisel avait, elle aussi, fait état de nombreux cas de fraude enregistrés sur tout le territoire national. Avant même le 29 novembre, les commissions locales avaient signalé la distribution de bulletins de vote à la faveur du FLN, notamment à Souk Ahras où le nombre de bulletins distribués quelques jours avant la date du scrutin était important. La fraude électorale, une mécanique décidemment ancrée dans le système qui continue à jouer des voix des citoyens comme il se joue de l'avenir du pays. Quand un Premier ministre reconnaît que le fichier électoral ne peut être assaini dans les conditions actuelles, quelle valeur peut donc avoir son engagement sur la régularité d'un scrutin. Ould Kablia n'a pas hésité hier lors de la conférence de presse annonçant les résultats des élections de justifier les dépassements en les qualifiant d'«expression normale d'une bataille électorale».