L'actualité a offert cette semaine une comparaison impitoyable entre deux gouvernances économiques l'une compétente l'autre névrotique. D'abord la compétente. Le nouveau gouvernement français veut redresser son industrie. Premier objectif, freiner le rythme des délocalisations et des pertes d'emplois en France. Pris de court par l'effondrement de Peugeot en juillet dernier, le gouvernement Ayrault a choisi le sort du site métallurgique de Florange pour déployer son volontarisme industriel. A la fin de l'été dernier le propriétaire, ArcelorMittal, annonce son intention de fermer les hauts fourneaux de Florange et de proposer un plan social. Le début de la fin pour Florange. Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, s'empare alors du dossier et veut contraindre ArcelorMittal à chercher un repreneur pour l'ensemble du site avant d'engager son mouvement de retrait. Le bras de fer tient en haleine la chronique économique de ces dernières semaines. Avec un temps fort. Montebourg menace ArcelorMittal de nationalisation temporaire s'il venait à exécuter son retrait sans offrir d'autres solutions de sauvetage. Un accord a finalement été trouvé, in extremis, vendredi dernier, qui contraint ArcelorMittal à ne licencier personne et à investir 180 millions d'euros sur le site pendant les 5 prochaines années. En contrepartie de quoi le gouvernement laisse le propriétaire libre d'organiser son plan industriel à Florange selon les contraintes du marché. Ce qui signifie qu'il n'est pas contraint de maintenir l'activité des hauts fourneaux dans la longue durée. L'accord a mécontenté les syndicalistes qui espéraient la nationalisation promise. Et a été salué par ArcelorMittal. Il semble même qu'il ait peu convenu à Arnaud Montebourg l'homme qui mis la pression sur l'employeur, mais qui n'a pas réussi à entraîner son Premier ministre jusqu'au bout de sa position radicale. Au final, l'investisseur reste en France, continue à y investir et promet même de «maintenir les hauts fourneaux» de Florange «en l'état» dans l'attente de la réalisation d'un projet européen de captage et de stockage de CO2, baptisé Ulcos. Le gouvernement français a incontestablement obtenu l'essentiel. Mettre une multinationale qui a réalisé un profit de 2,2 milliards de dollars en 2011 devant sa responsabilité sociale. La menace à la nationalisation temporaire a bien sûr soulevé le courroux du patronat français. Laurence Parisot, la présidente du Medef a parlé de «scandale». Mais la menace a pesé dans la balance. Contribuant à faire fléchir ArcelorMittal sans obscurcir davantage le climat des affaires rendu pesant en France par une fiscalité plus «agressive» pour les riches. Maintenant la gouvernance névrotique. Le président Bouteflika se rend compte au début de l'été 2008 que les sorties de devises au titre du rapatriement des dividendes a explosé l'année précédente. Premier exportateur Orascom Telecom Algérie. Devant même Anadarco. Djezzy ne prévoit pas de fermer une activité en Algérie. Comme ArcelorMittal à Florange. Mais l'opération d'OTH en Algérie est attaquée mortellement. Redressement fiscal de plus d'un demi-milliard de dollars avant la fin de l'année 2008. Et série de mesures coercitives pour bloquer investissement et déploiement commercial. Pour quel objectif stratégique ? Réduire le rapatriement de dividendes de OTA vers OTH. Un résultat qu'une gouvernance économique normale peut obtenir dans la négociation. En alternant subtilement rapport de force et ouvertures opportunes. Comme l'a fait le trio Hollande-Ayrault- Montebourg. Au lieu de quoi l'agitation névrotique algérienne a débouché sur une impasse stratégique ou s'est totalement bloqué le développement des TIC dans le pays. La 3G et l'industrie des contenus qui lui sont liés ont pris 5 ans de retard à cause de ce conflit engagé sans réfléchir par la famille Bouteflika avec la famille Sawiris. Face aux entreprises privées, les Etats sont encore les plus forts en 2012. OTH n'est pas Goldman Sachs. Le président Bouteflika, et son exécutant zélé Ahmed Ouyahia, se sont lancés dans une initiative insensée de nationalisation de Djezzy qui peut coûter jusqu'à dix milliards de dollars au contribuable algérien si l'on additionne le prix de cession et les dommages et intérêts que réclame Naguib Sawiris et dont il peut obtenir une partie. Entre «méchant» (Montebourg) et gentil (Ayrault) le gouvernement français a bien manœuvré pour amener Lashmi Mittal à la raison. A Alger, tout le monde a été excessivement accommodant avec Sawiris à son arrivée en 2002. Puis tout le monde furieusement féroce depuis 2008. Toujours derrière la névrose d'un seul centre de décision. Sonatrach a été pénalisé de 4,4 milliards de dollars au profit de Anadarko et Maersk en 2012. A cause d'un effet rétroactif fiscal que la jurisprudence internationale ne reconnaît pas. En 2013, la facture de la nationalisation psychotique de Djezzy s'annonce explosive. Et personne n'a le droit de savoir pourquoi les deux familles Bouteflika et Sawiris se sont-elles réellement fâchées.