Les prix du sucre grimpent... grimpent. L'augmentation des prix est telle que l'Association des producteurs algériens de boissons a décidé de revoir, à son tour, ses prix à la hausse. Dans leurs encarts publicitaires, les professionnels de la boisson (regroupant Hamoud Boualem, Ifri, NCA, Pepsi et Coca-Cola) justifient leur décision par le fait que les charges des matières premières (le sucre notamment) deviennent de plus en plus lourdes. « Pour défendre la qualité de leurs produits, les producteurs algériens de boissons augmentent leurs prix », tel est le nouveau slogan de l'association. Car depuis janvier dernier, les prix du sucre n'ont cessé d'augmenter, passant de 35 DA/kilo au début de l'année à 60DA/kilo (et même jusqu'à 75 DA/kilo) actuellement. Les raisons de cette flambée tiennent surtout, d'après les professionnels du secteur, aux fluctuations du marché international. Les cours du sucre suivent la hausse des prix des hydrocarbures. L'envolée vertigineuse des prix du baril de pétrole a incité de nombreux pays à chercher de nouvelles sources d'énergie. Le Brésil, premier pays producteur de sucre, estime avoir trouvé la panacée : la production d'éthanol à partir de la canne à sucre. Conséquence : la baisse de la production brésilienne a créé une forte tension dans la Bourse de Londres et celle de New York. A Wall Street, les cours sont revenus, vendredi dernier, au-delà de 17 cents à New York, soutenus par l'intérêt des spéculateurs, qui estiment que l'approvisionnement va se resserrer. « Les prix du sucre restent soutenus par les prévisions selon lesquelles le Brésil va consacrer une part encore plus importante de canne à sucre à la production d'éthanol en cette période de prix élevés du brut », ont expliqué les analystes de Sucden. Ajoutez à cela la sécheresse en Thaïlande (deuxième exportateur mondial) et la hausse de 50% de la demande chinoise (en 10 ans), l'augmentation des prix devient inévitable. Les experts de l'Organisation internationale du sucre (OIS) prédisent que la production mondiale de sucre sera deux fois inférieure à la demande de cette année. Premier producteur mondial de sucre, le Brésil consacre déjà plus de 50% de sa récolte de canne à la production de ce biocarburant, bien meilleur marché que l'essence ou le diesel. Sur le Liffe de Londres, le prix de la tonne de sucre blanc pour l'échéance de mai valait 448 dollars contre 439,50 dollars une semaine plus tôt (les prix étaient de l'ordre de 230 dollars au début de l'année). Et pour compliquer davantage la situation, des importateurs et des grossistes, peu scrupuleux, n'hésitent pas à bloquer une partie de la marchandise pour faire grimper les prix. C'est ce qui explique, d'après l'homme d'affaires Issad Rebrab, l'assèchement du marché national durant le mois d'août et la rétention des stocks de sucre blanc par les importateurs pour susciter une hausse de prix en période de forte demande et faciliter l'écoulement des quantités de sucre acquises hors contingents. M. Rebrab, l'un des producteurs de sucre en Algérie, assure qu'il n'y a pas de pénurie. « Les industriels et les grossistes sont alimentés normalement. Nous pensons que les prix vont se stabiliser. Cevital compte, à partir de la semaine prochaine, alimenter le marché à raison de 2500 -2600 tonnes/jour. La capacité de production de la raffinerie de Béjaïa est aujourd'hui de l'ordre de 1600 tonnes/jour à 2000 tonnes/jour. Il faut y ajouter les 650-700 tonnes/jour produits par les raffineries de l'Enasucre », a-t-il affirmé récemment à la presse. Pour remédier à l'instabilité du marché du sucre en Algérie, le patron de Cevital a déjà peaufiné sa stratégie. Il prévoit d'injecter, dès la semaine prochaine, des quantités supplémentaires de sucre (2500 à 2600 tonnes/jour) sur le marché. La consommation mensuelle du sucre en Algérie étant évaluée à 80 000 tonnes. Dans une récente intervention médiatique, le directeur général de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie (CACI), M. Chami, a estimé, pour sa part, qu'il ne pourrait y avoir de baisse des prix sans la conjugaison du triptyque de l'équilibre des prix du pétrole, la production de sucre et les spéculateurs. « Le sucre le plus rentable était celui fait à partir de la canne à sucre, maintenant que la donne a changé et que le Brésil préfère consommer sa production en énergie, on peut chercher des alternatives. Auparavant, on utilisait le sucre de betterave, mais on a abandonné cette méthode parce qu'elle coûtait très cher. Rien ne nous empêche d'y revenir », suggère-t-il. Le patron de Cevital considère que c'est le système FIFO (premier arrivé, premier servi ; mis en place depuis le début de l'année dans le cadre de l'association avec l'Union européenne) qui est en cause dans le dérèglement du marché. Il recommande l'abandon de cette méthode étant, selon lui, spéculative par essence et ne générant que des effets négatifs. Issad Rebrab affirme que le Trésor public perd dans cette affaire 150 milliards de centimes. Cevital suggère également la mise à disposition du contingent à l'Enasucre pour la régulation du marché. Ce qui permettra, estime l'homme d'affaires, la préservation de l'outil de production de l'Enasucre ainsi que les postes d'emploi directs et indirects liés à l'activité de l'Enasucre, soit la mise en vente par adjudication des quotas afin de limiter les importations au contingent arrêté et de permettre aux importateurs d'effectuer leurs achats au moment le plus approprié. Cevital propose, par ailleurs, la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité, comme le sucre blanc et les huiles végétales au même titre que la farine et le lait.