Récemment paru aux éditions Barzakh, le dernier roman d'Amin Zaoui est déjà en rupture de stock dans les librairies. Au nom de quoi Amin Zaoui prend-il pour héros un juif algérien de Tamentit ? Tamentit est une ville au cœur du Touat. C'était une escale sur la route de l'or à l'époque médiévale, sous la dynastie des Zianides de Tlemcen. Les Zianides autorisaient les synagogues, fondaient des palais, des bibliothèques et des fondouks. A Tamentit, vivait une large communauté juive, parmi elle des Berbères, des Arabes et des Subsahariens. Tamentit voyait passer des caravanes qui venaient du Ghana et du Soudan (les pays de l'or) et partaient vers Tlemcen, ensuite vers l'Europe et l'Orient. Les Andalous, chassés d'Espagne aux XIVe et XVe siècles, se sont massivement installés au Maghreb. Parmi eux, la communauté juive était particulièrement active dans le commerce de l'or. Amin Zaoui a choisi de rappeler cette histoire dans un roman qui a du poids, un récit dense par le télescopage des époques et par un imaginaire fantasque, surréaliste. Il y a surtout dans ces pages une liberté de ton surprenante qui provoque un plaisir singulier. La plume de Zaoui est à la fois savante et sagace. Il dit tout, sans tabou, avec en plus l'humour et la désinvolture même quand il fouille l'histoire du Touat, de Tlemcen et de l'Andalousie. Bref, ce roman est écrit comme un poème, avec un rythme rapide comme l'éclair, étincelant. Inutile d'y chercher le réel ou le réalisme. Mieux vaut se laisser emporter comme dans un fleuve en crue. Provocateur ? Sans doute. Il y a des jouissances dans les cimetières et il arrive des choses sous la table de la dolce vita qui en principe ne devraient pas arriver... La circoncision est ici à l'ordre du jour. C'est une affaire qui tenaille le héros. Cela revient comme une litanie, comme un refrain dans un poème ou une chanson, comme une phrase musicale au milieu d'un opéra. Amin Zaoui est assurément un écrivain qui lit. Sa pensée nous mène sur les chemins de l'histoire et vers ses repères littéraires et poétiques. Il nous parle d'Apulée, Henry Miller, Al Moutanabi, Ibn Khaldoun, Ibn Hazm... De son roman, on ne s'en sort pas facilement. Il laisse des traces, on y trouve une rare liberté de transgression, ce qui est le rôle même de la littérature. Au moment où bon nombre de romans algériens récents s'écrasent dans l'oubli, par manque d'imaginaire et de raffinement, par manque de lecteurs aussi... Par ailleurs, les éditions Barzakh continuent leur excellent travail de recherche de grands écrivains et d'œuvres véritables. C'est aussi un fait que Barzakh fabrique et présente ses livres dans une forme de grande qualité. C'est Barzakh qui a publié déjà deux romans précédents d'Amin Zaoui : Festin de mensonges et La Chambre de la vierge impure. Le dernier juif de Tamentit, roman d'Amin Zaoui, ed. Barzakh, 2012, 141 pages.