Alors que les opposants contestent le décret du président Morsi dans lequel il s'arroge les pleins pouvoirs, les affrontements entre manifestants ont fait 7 morts hier matin. La contestation grondait depuis le 22 novembre. Mais elle a pris des airs de nouvelle révolution mercredi soir. Aux environs de 22h, les Frères musulmans puis le Premier ministre, Hicham Qandil, ont appelé les manifestants à quitter les abords du palais présidentiel, dans le quartier d'Héliopolis. Mais les affrontements entre plusieurs centaines de manifestants, favorables et opposés au pouvoir, se sont poursuivis toute la nuit. Jets de pierres, cocktails Molotov, voitures incendiées, tirs d'arme à feu, batailles avec des bâtons de bois. Au petit matin, le bilan est lourd. Sept manifestants sont morts. Quatre d'entre eux tués par balle et l'un après avoir reçu un tir de chevrotine près du cœur. Le ministère de la Santé annonce que plus de 450 personnes sont blessées. Dans la matinée de jeudi, la garde présidentielle égyptienne déploie des chars autour du Palais et demande à la foule de quitter les alentours avant 15h. Elle annonce dans le même temps qu'elle n'usera pas de la force contre les manifestants. Après quelques heures, ses hommes installent des barbelés et créent une zone sécurisée 150 m autour du palais présidentiel. Les deux camps se rejettent la responsabilité des violences. «Pour nous, les affrontements de mercredi soir opposaient les partisans d'un régime démocratique à ceux de l'ancien régime, favorables à Moubarak, explique Sondos Assem, porte-parole du Parti de la liberté et de la justice (Frères musulmans). Nous manifestions pacifiquement et nous avons essuyé des attaques terroristes. Cinq de nos partisans ont été tués.» Tués Mais pour Sarah, une activiste anti-pouvoir qui a participé à la manifestation, les faits sont différents. «La situation était très tendue. Des dizaines de manifestants pacifiques étaient dans leurs tentes quand un groupe de militants des Frères musulmans sont arrivés en criant des slogans hostiles aux opposants, les traitant de non-croyants et de profanes. La police n'était pas là, les deux camps s'insultaient, mais ne se battaient pas. Lorsqu'une tente a été arrachée, les affrontements ont commencé et sont devenus plus violents lorsque les Frères ont utilisé des balles en caoutchouc. Ils étaient très agressifs et très violents. Ils s'en sont même pris aux femmes. Ola Shahabah et Nawara Negm, deux militantes, ont été frappées. A ce moment-là, les combats de rue ont commencé, des vraies balles sifflaient au-dessus de nos têtes et on nous jetait du gaz lacrymogène. Des journalistes ont été arrêtés, on leur a confisqué leurs appareils photos. Kareem Farid et Ahmed Khair Eldeen, deux journalistes, ont été roués de coups.» Malgré les violences, malgré l'interdiction de manifester, la foule, très déterminée, se rassemblait au fur et à mesure de la journée sur la place Tahrir, dans le quartier El Maadi et dans le quartier d'Héliopolis. «Nous n'avons pas élu un président pour qu'il se transforme en tyran ou en dictateur», s'emporte Sarah. A 19h30, la population attendait toujours le discours présidentiel promis. Mais Mohamed Morsi restait invisible. Un silence qui, selon certains experts, est synonyme de tiraillements au sommet de l'Etat. Par ailleurs, le Président semblait désavoué par plusieurs de ses proches. Entre mercredi soir et jeudi après-midi, quatre conseillers de Mohamed Morsi avaient présenté leur démission pour protester contre les violences. Puis c'etait au tour du directeur de la télévision d'Etat de quitter ses fonctions. L'institution Al Azhar, la plus haute autorité de l'islam sunnite, a même demandé à Mohamed Morsi de suspendre le décret qui lui octroyait les pouvoirs exceptionnels, point de départ de la contestation. Enfin, alors que le président égyptien bénéficiait d'une appréciation positive auprès de la communauté internationale pour son rôle dans le cessez-le-feu lors de l'attaque de la bande de Ghaza, plusieurs pays européens ainsi que les Etats-Unis ont appelé au «calme» et à la «retenue».