La profession, qui avait jusque-là tenu tête à l'avènement de la radio et de la télévision, se voit obligée d'entamer sa révolution numérique pour survivre au XXIe siècle. La presse écrite internationale se meurt. Depuis quelques années, les victimes tombent les unes après les autres : le quotidien Le Temps va licencier, Frankfurter Rundschau dépose son bilan, l'allemand Financial Times est menacé, le fleuron de la presse espagnole, El Pais, a supprimé un tiers de ses effectifs, le grand quotidien italien, Corriere della Sera, pourrait se séparer d'une centaine de salariés, les quotidiens grecs, Apogevmatini, Vima et Eleftherotypia ont fermé, France Soir l'a déjà fait, La Tribune a mis fin à son édition quotidienne, l'américain Newsweek a cessé de paraître en papier et la fragilité économique des journaux Le Monde et Libération fait débat. L'année 2013 s'annonce difficile pour la branche. Chaque déconfiture est vécue comme un drame par la famille de la presse. L'écrivain Manuel Rivas ne trouvait pas de mots assez durs pour qualifier la crise du journal espagnol El Pais. «Jusqu'alors, El Pais était gravement touché par la crise publicitaire, par la gestion néfaste de l'entreprise et par des déclarations à l'emporte-pièce de la direction. Désormais, ce journal est agonisant et, pour beaucoup, mort. Je suis fatigué. Je suis en colère. Ce fut un beau voyage. Dommage qu'il se termine de cette façon-là», a-t-il écrit sur son blog. Les 500 salariés du quotidien allemand Frankfurter Rundschau, journal emblématique de la gauche ayant déposé le bilan le 14 novembre dernier, ont tout de même voulu adresser aux lecteurs un message d'espoir. «C'est un choc, mais ce n'est pas la fin», ont-ils titré en une du dernier numéro du quotidien, après l'annonce du dépôt de bilan de leur entreprise devant le tribunal d'instance de Francfort (Allemagne). La rédaction du Financial Times Deutschland (FTD) a préféré user d'humour, avant de mettre la clef sous le paillasson. Ils ont lancé depuis le 29 novembre dernier une vente aux enchères sur internet de quelques futures pièces de collection, comme le canapé du rédacteur en chef. La presse écrite qui avait, jusque-là, tenu tête à l'avènement de la radio et de la télévision, n'a pu se mesurer à celui de l'internet. Elle se voit obligée d'entamer sa révolution numérique pour survivre au XXIe siècle. L'arrivée d'internet a bouleversé l'économie de la presse. Les lecteurs ont désormais accès à l'information gratuitement via les sites web, ce qui a naturellement généré une migration de la publicité. Mais il y a encore d'autres causes invoquées pour expliquer le plongeon des journaux : cherté du papier, baisse du nombre de petites annonces, sous-capitalisation des éditeurs, faiblesse des investissements publicitaires, surcoûts ponctuels de la rédaction, surcoûts structurels de la distribution ou incompétence des patrons de presse. La crise d'il y a deux ans était due à des «facteurs exogènes», liés à la crise financière. La crise d'aujourd'hui est «endogène». Des experts dénoncent des modes de traitement de l'information qui seraient «dépassés». L'on critique «l'influence excessive de la politique» et l'on pointe du doigt des «modes de gestion périmés». L'internet, accusé d'être le fossoyeur du journal papier, pourrait bien être son sauveur. Mais le web a ses limites. Le journalisme de qualité ne parvient pas à se financer aujourd'hui sur internet. Le fait est que les sites d'information qui proposent des reportages ou des enquêtes de qualité sont rares, en raison des coûts qu'un travail sur le terrain induirait. Aussi, la crainte des professionnels des médias est-elle de voir disparaître le métier de journaliste dans le sens le plus noble du terme.