Prévisible, la destitution par les militaires du Premier ministre malien, Cheick Modibo Diarra, n'a pas été une surprise. En quelques mois seulement, il a réussi à faire l'unanimité contre sa personne. Son limogeage suscite le report, encore une fois, des concertations devant aboutir à une sortie de crise. Même les putschistes, qui ont appuyé sa candidature pour mener à terme la période de transition, ont fini par le lâcher et de manière brutale, lui qui était un farouche défenseur de l'option militaire dans la résolution du problème du Nord occupé par les rebelles touareg et les terroristes. Il a été arrêté, lundi soir, à l'aéroport de Bamako, alors qu'il était sur le point de s'envoler vers Paris. Quelques heures plus tard, il est destitué de son poste et apparaît (tôt dans la matinée d'hier) sur la chaîne de la télévision publique pour annoncer brièvement sa démission et celle de son gouvernement. Les réactions ne se font pas attendre. La France, qui se dit «préoccupée», condamne les «circonstances» de cette «démission», demande la formation rapide d'un «nouveau gouvernement représentatif», alors que la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a appelé l'armée de ne pas interférer dans la vie politique, tout en exprimant son souhait de voir un Premier ministre «consensuel» rapidement nommé. Des événements qui interviennent au lendemain de la décision de l'Union européenne de mettre en place sa mission de 400 militaires, dont 250 formateurs, devant être dépêchée à Bamako, dès le 1er trimestre de 2013, officiellement pour soutenir l'armée malienne et, officieusement, l'aider à reconquérir le nord du pays. Une reconquête qui avait suscité de profondes divergences entre les partisans du dialogue et ceux de l'intervention militaire étrangère. Une intervention qui a fait l'objet d'une demande officielle du Mali et de la Cédéao auprès de l'ONU d'autoriser rapidement le déploiement d'une force internationale de 3300 hommes dans le Nord. Le Conseil de sécurité a jugé le concept de cette force, tel que présenté par la Cédéao, incomplet et l'a renvoyé pour une meilleure définition de ses prérogatives, de ses moyens et surtout de ses cibles. A ce titre, il est important de préciser que le Premier ministre Diarra, avait plusieurs fois exprimé son vœu de voir l'opération militaire étrangère rapidement exécutée, alors que chez les militaires, c'est l'option du dialogue national à travers les concertations, notamment, qui est privilégiée avec, en parallèle, une action militaire confiée à l'armée malienne à laquelle la communauté internationale apporterait aide et soutien logistique. Est-ce ces divergences qui ont poussé les putschistes à écarter Diarra ? Probablement. En tout état de cause, ce coup de force plonge encore une fois le Mali dans l'incertitude et montre la fragilité assez inquiétante de ses institutions. Si le porte-parole du Comité national de redressement de la démocratie et de la restauration de l'Etat (CNRDE), représentant les putschistes se déclare serein (voir entretien) et annonce que les concertations auront lieu, pour permettre d'aller rapidement vers une sortie de crise, ses détracteurs voient en cette démission forcée un autre coup d'Etat qui démontre la mainmise des militaires dans la gestion du pays. Des divergences qui, malheureusement, empêchent tout espoir de voir la crise politique résorbée, pour passer à la libération du Nord…