Une morale nue apporte de l'ennui ; le conte fait passer le précepte avec lui (La Fontaine). Toutes les histoires, le vent les a déposées sur les bouts des doigts… il était une fois, un lièvre qui s'était assis à l'ombre d'un baobab…» Silence religieux, soudain, des spectateurs. Souriante, gracieuse, Martine Caillat, conteuse professionnelle venue de Lyon, est sur scène. Gestuelle harmonieuse, verbe enchanteur et fluide, sourires de connivence, elle raconte, raconte, et nous emporte au pays des merveilles. D'emblée elle réussira à accaparer l'attention d'un public aussi nombreux que connaisseur. Enfants et adultes étaient suspendus à ses lèvres, en cette première soirée de la 3ème édition des rencontres internationales du conte et du récit. (Du 13 au 20 décembre courant au TRC). Martine Caillat s'est donc partagée la scène avec le Tunisien Abderrazak Kemmoune. Ils se sont relayés en symbiose autour d'une même thématique, -quoique différemment abordée-, celle de l'éternelle dualité du couple, amour-désamour, entente-mésentente, de la quête d'une sagesse, qui aidera l'homme et la femme à vivre ensemble, puisque, tout compte fait, ils ne peuvent se passer l'un de l'autre. Abderrazak Kemmoune, optant pour le récit, penchant parfois dans le one man show, puise ses historiettes dans la vie de tous les jours, à partir de faits réels. Sans être moralisatrices, celles-ci suggèrent, en filigrane, des «astuces» pour perpétuer l'amour, comme l'humour à satiété, le dialogue, l'écoute de l'autre… «Je prends mes histoires dans notre quotidien ; elles ne sont pas forcément inspirées de la tradition orale ; je raconte des personnages, qui sont vous et moi…», nous confie le conteur, dont l'humour et le doux parler tunisien ont charmé les spectateurs. Martine Caillat, quant à elle, qui a découvert la magie de la narration orale il y a 24 ans à travers les nombreux festivals du conte, avoue avoir des préférences pour le conte classique, traditionnel. Séduite par l'art de raconter, elle effectue une formation dans ce sens, et devient, à son tour, conteuse professionnelle. «Les contes nous donnent des clés pour vivre; je l'ai utilisé pour apprendre le français aux femmes immigrées et aux jeunes en rupture scolaire… ce sont des moments de bonheur, un vrai cadeau… les gens se déplacent pour vous écouter; le conte dit toujours quelque chose, il transmet des valeurs, des expériences, sans être moralisateur», nous a-t-elle révélé en aparté. Une spectatrice, en compagnie d'une adorable petite fille, nous livre son impression, a posteriori: «Toute cette présence est l'indice révélateur d'une société nostalgique de ses belles valeurs, d'une tradition orale aujourd'hui quasiment en déperdition ; ça fait du bien de constater que l'enfant qu'on a été, n'a pas tout à fait disparu.» Cette belle tradition, qui, semble-t-il, est en train de s'installer dans la durée, nous la devons à l'initiative de l'association Ken ya ma ken, et à son président Fayçal Ahmed-Raïs. Des conteurs internationaux y participent régulièrement, au grand bonheur des amateurs, qui s'avèrent innombrables. Rappelons que l'invité de l'édition de 2011, était Richard Bohringer, qui avait livré une merveilleuse prestation tirée de son autobiographie, Traîne pas trop sous la pluie. Le spectacle continue donc : même heure (18h), mêmes lieux.