Tunisie. De notre correspondant Le peuple veut refaire la révolution», scande la population de Sidi Bouzid à l'adresse du président de la République, Moncef Marzouki, et du président de l'Assemblée, Mustapha Ben Jaâfar. Comme on s'y attendait, lors des manifestations commémorant le deuxième anniversaire de la révolution, les habitants de Sidi Bouzid ont exprimé leur mécontentement contre les symboles du pouvoir par des slogans dénonçant la politique du gouvernement du genre : «Bouzidien frustré, pas de développement, pas de Constitution», «Fidèles au sang des martyrs», «Le peuple veut refaire la révolution», «Pain, liberté et dignité nationale», «Bouzid, martyr de la politique de développement», etc. Pourtant, le président Marzouki a reconnu, dans son discours, l'impatience de la population et promis des solutions : «Je comprends cette colère légitime. Le gouvernement a déjà diagnostiqué le mal. Dans six mois, un gouvernement stable sera en place et livrera les remèdes nécessaires.» Mais les foules ne l'entendent pas de cette oreille. Les trois présidents Hamadi Jebali, Mustapha Ben Jaafar et Moncef Marzouki avaient déjà fait les mêmes promesses il y a une année. «Je suis du village de Menzel Bouzaienne (aux environs de Sidi Bouzid). Ce village a donné le premier martyr de la révolution et cherche encore à préserver la flamme. Notre localité n'a rien récolté du point de vue investissement et développement. La situation est pire, le chômage s'est accentué», s'indigne Abdelhamid Nasri, dont le frère est un martyr de la révolution. Il y avait même des pierres qui ont accompagné les «Dégage, Dégage» adressés à Marzouki et Ben Jaâfar. Grosse déception Ce dernier n'a même pas pu terminer son discours ; il a dû être extirpé par son escorte pour éviter qu'il ne soit molesté. Moncef Marzouki a également essuyé des huées lors de sa récitation de la Fatiha au mausolée de Mohamed Bouazizi. Les jeunes et les couches laborieuses ont fait la révolution du 17 décembre-14 janvier pour voir s'améliorer leurs conditions d'existence. Or, les chiffres montrent que, durant les deux dernières années, faute de renforcement de l'infrastructure et d'un rôle de locomotive à jouer par l'investissement public, la pauvreté a touché davantage ces zones démunies et le chômage s'y est multiplié. «La contestation populaire est légitime dans la mesure où les citoyens ne voient rien venir», constate l'enseignant Ali Ben Youssef, nahdhaoui. «Regardez Marzouki aujourd'hui. Il a encore demandé une période de six mois, exactement, comme il l'avait fait l'année dernière», ajoute-t-il. En effet, selon les chiffres du ministère tunisien de l'Industrie, les investissements ont chuté de 36% dans la région et les offres d'emploi de 24,3% sur les 11 premiers mois de l'année par rapport à la même période un an plus tôt. «Le gouvernement Jebali n'a rien fait pour la région», affirme le député Mohamed Brahmi, secrétaire général du parti Chaâb (peuple). Certes, le président Marzouki n'a pas cessé de répéter durant son discours que «le gouvernement n'avait pas de baguette magique». «Mais ceux qui se sont présentés pour occuper les chaises doivent apporter les solutions», lui a répliqué un citoyen. «Celui qui n'est pas à la hauteur, qu'il dégage !», a ajouté un autre. Chaque événement en rapport avec la révolution rappelle que le parcours de la transition démocratique n'est pas du tout aisé, en Tunisie et ailleurs.