Y a-t-il plus discriminé qu'un jeune immigré ? Oui, ses grands-parents, ceux qui sont venus travailler et participer au développement français, au moment où l'on avait besoin d'eux. Quarante ans après, certains sont au bord de l'indigence. Lyon (France). De notre correspondant Les instances politiques françaises semblent commencer à se rendre compte que les travailleurs immigrés des années 1960 et 70 sont devenus aujourd'hui des vieux immigrés, ou, pour reprendre la formule de l'Assemblée nationale, des immigrés âgés. Et que cela pose un certain nombre de challenges. Le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, a pris conscience du problème en créant en novembre dernier une mission parlementaire chargée de trouver des solutions aux souffrances, surtout aux anciens confinés dans des foyers devenus de vrais mouroirs. Le parlementaire en a eu une idée assez précise en visitant ces foyers qui autrefois abritaient des travailleurs, devenus par la force cruelle du temps foyers de «chibanis». Récemment, l'Association des travailleurs maghrébins de France a lancé un appel contre les discriminations spécifiques envers les migrants plus âgés. «Alors que leur contribution à la production de richesses et de services en France s'est déployée des années durant, ils vivent dans des conditions insupportables.» La vieillesse des migrants, relève l'appel, concerne 1,7 million de personnes originaires du Maghreb ou d'Afrique de l'Ouest. Beaucoup ont fondé des familles et prennent de front, outre leurs difficultés, celles de leurs enfants et petits-enfants à trouver une place dans une société qu'ils n'ont pas choisie, se contentant d'y naître. L'appel dénombre 45 000 résidents dans les foyers, qui «pour certains sont dans un état de vétusté avancé et inadaptés à l'accueil d'une population vieillissante. A cela s'ajoute l'abandon du suivi social. (…). Les indicateurs en matière de santé sont alarmants pour les migrants âgés en foyer de travailleurs mais également ceux qui vivent en habitat diffus et particulièrement les femmes. Elles se retrouvent souvent très isolées dans des conditions sociales et sanitaires extrêmement précaires». De plus, la question de la couverture sociale (assurance maladie et même retraite) est pour certains vexatoire lorsque ces droits sont supprimés pour être restés trop longtemps avec les leurs au pays : «C'est avec un zèle administratif inhabituel que des caisses de retraite envoient des agents au domicile de ces personnes, pour contrôler leur passeport, leurs relevés bancaires…», «tracasserie pouvant aller jusqu'au harcèlement». Ainsi, l'appel qui a été paraphé par des milliers de signataires conclut que «pour les migrants âgés, en matière de santé, de logement, de droits sociaux, beaucoup reste à faire». Prenant acte de la «nouvelle séquence politique ouverte avec l'élection de François Hollande», ils estiment qu'«il est temps d'agir !»