Le point de vue exclusivement masculin développé dans Le Hublot de Anis Djaâd (Algérie) ne déteint en rien sur la qualité de cette fiction, un concentré poétique d'une jeunesse en mal de perspectives. Tous les ingrédients sont-là : internet pour rompre l'isolement au monde, des morceaux de kif comme autant de clés pour des paradis artificiels éphémères, et enfin l'étendue de la mer, à la fois outil d'évasion et frontière symbolique entre deux mondes, l'un vécu donc réel et l'autre mythifié, car rêvé. Mais c'est le sens de la tragédie qui donne au Hublot toute sa force et prédestine l'équipe qui l'a mis en scène à une carrière prometteuse. Au fil du récit, le film, rehaussé par une atmosphère sombre, nous entraîne vers un point focal irrémédiable. A partir d'un matériau de base, loin d'être inédit, l'auteur réussit à construire tout un univers dans lequel se meuvent des personnages singuliers, mais dont les destinées sont inscrites dans l'intemporalité de la condition humaine. L'issue ne pouvait qu'être fatale, notamment lorsque le destin s'en mêle pour sceller même les portes de l'imaginaire. Soucis d'argent avec les dettes qui s'accumulent, logements exigus dont (et c'est le pire) même les fenêtres sont barreaudées, un lien rompu avec une fiancée partie en France, dans l'espoir de retrouvailles prochaines, mais qui finit par reconstruire sa vie sur place sont autant d'impasses qui convergent vers un point de non-retour. Le coup de grâce viendra avec le futur projet immobilier qui allait barrer la vue sur la mer, jusque-là seule consolation pour échapper à un monde dans lequel les personnages semblent ne pas avoir de place. Ce film se distingue de beaucoup d'autres courts métrages proposés dans ce festival et dont beaucoup privilégient l'aspect documentaire. C'est le cas de Bassirat des Emirats arabes unies qui suit le travail d'un pêcheur aveugle. Au mieux, c'est un bon reportage pour la télévision (ce qui n'est pas rien). Dans la même catégorie, on retrouve également Visages, de Saïd Najmi de Jordanie. Ici, l'idée d'une campagne qui se vide est intéressante, mais la distance prise avec les personnages filmés est troublante, comme s'il s'agissait d'un documentaire animalier. Nettement plus humaine est par contre l'approche de l'Egyptien Mohamed Esselmaoui avec son film J'ai aimé qui retrace le quotidien d'un musicien joueur de oud, une sorte de troubadour des temps modernes qui, de lieu en lieu, sans prétention, sans même donner de l'importance à l'argent qu'il peut gagner, essaye d'amuser ses semblables. Plus dramatique est par contre le film du Soudanais Tayeb Mehdi qui, avec Les enfants de la cave, a voulu rendre visible la souffrance des femmes, mais surtout des enfants pris en otages dans les conflits armés (ici le drame du Darfour). Le récit d' Al djazira, de l'Algérien Amine Sidi Boumedienne, se termine en queue de poisson, si on devait tenir compte de la charge de suspense que le réalisateur a voulu lui donner depuis le début du film. Ce sont par ailleurs les clichés du sort des femmes qui se marient avec des enfants d'immigrés qui ont déteint sur Vie sans vie, de Akram Zaghba (Algérie), dont l'unique intérêt est apparemment de dissuader les jeunes femmes algériennes à s'installer en France.