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«Ce n'est pas une catastrophe» Francis Perrin. Président de Stratégies et politiques énergétiques, directeur de la publication et de la rédaction de Pétrole et gaz arabes
- L'on parle depuis quelque temps de niveau de production pétrolière en baisse. Pensez-vous qu'il s'agit réellement de déclin ? A court et moyen termes, il n'y a pas à s'affoler. Je ne dispose pas des chiffres officiels pour 2012, mais le PDG de Sonatrach a évoqué un niveau de production de 200 millions de tonnes équivalent pétrole (200 Mtep) pour cette année. Dans ce cas, cela représenterait une baisse de 6,5% environ par rapport au niveau de 214 Mtep atteint en 2010. Ce n'est pas une catastrophe. De plus, il faut garder à l'esprit que la demande de gaz algérien à l'exportation est en baisse en raison de la crise économique en Europe qui se traduit par une diminution de la consommation de gaz dans cette région, celle-ci étant de très loin le premier marché pour Sonatrach. Le déclin naturel de certains gisements ne signifie pas par ailleurs le déclin des gisements en Algérie, comme on l'entend et on le lit parfois. Enfin, Abdelhamid Zerguine a rappelé que des mises en production allaient intervenir à court terme, notamment celle du projet El Merk qui permettra de valoriser des découvertes réalisées par Anadarko dès les années 1990 dans le bassin de Berkine. Et d'autres développements sont en cours en vue de la mise en production dans les prochaines années. Pas de panique donc, mais, en matière d'énergie, il faut aussi penser au long terme, voire au très long terme. Or, il est clair qu'une vigoureuse relance de l'exploration est nécessaire et l'Algérie a perdu un peu de temps sur ce point. Il est également clair qu'une meilleure connaissance du potentiel national en hydrocarbures non conventionnels serait fort utile. Enfin, les politiques de diversification énergétique et de maîtrise de l'énergie doivent être intensifiées, car il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Ces quatre éléments permettront de faire face aux défis de long terme dans le domaine de l'approvisionnement énergétique national et de la contribution à la satisfaction de la demande mondiale, si les bonnes décisions sont prises dans les délais requis et si les moyens permettant leur application sont effectivement mis en œuvre. - Pensez-vous que le potentiel en gaz de schiste dont l'Algérie bénéficie et les gisements off-shore peuvent compenser les ressources conventionnelles si elles venaient à diminuer ?
Les hydrocarbures non conventionnels, dont le gaz de schiste constitue une partie importante, sont un enjeu majeur pour l'Algérie et, ce, à divers titres, mais il faut d'abord confirmer – ou pas – que le potentiel du pays est considérable, comme l'indiquent les responsables gouvernementaux. Ceci suppose, comme pour les hydrocarbures conventionnels, des travaux d'exploration intensifs pendant plusieurs années. A l'issue de ceux-ci, il sera possible de savoir si leur contribution pourrait être importante et dans quelles conditions, y compris pour ce qui concerne leur impact environnemental. Il est aujourd'hui beaucoup trop tôt pour être précis sur ce sujet. Pour les gisements en cours d'exploitation, le potentiel de meilleure récupération des réserves ne doit pas être négligé. Pour l'offshore, il faut être encore plus prudent. On sait qu'il y a du gaz non conventionnel en Algérie, mais on ne sait pas aujourd'hui évaluer les ressources récupérables avec un degré raisonnable de certitude. Par contre, l'offshore algérien est totalement vierge et on ne peut vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Les résultats du forage qui sera entrepris par CGG Veritas pour le compte de Sonatrach sont donc attendus avec impatience dans les milieux pétroliers. Cela dit, que ceux-ci soient positifs ou négatifs, il faudra de nombreux forages en mer avant de pouvoir dire si l'offshore jouera ou pas un rôle important dans la production pétrolière et gazière future du pays. Le non-conventionnel et l'offshore sont des aspects-clés en termes de potentiel futur, mais n'oublions pas que le domaine minier algérien est loin d'avoir été complètement exploré et qu'il ne faut pas exclure de bonnes surprises en matière d'hydrocarbures conventionnels. Il serait prématuré d'afficher leur acte de décès. - Comment voyez-vous l'avenir de l'Algérie en tant que fournisseur de l'Europe en gaz, notamment avec la venue de nouveaux concurrents ?
Il y aura de nouveaux concurrents pour des futures fournitures de gaz sur le marché européen, c'est une certitude. L'Algérie est un pays plus gazier que pétrolier et l'Europe est son marché naturel et, pour ces deux raisons, cette évolution est suivie de très près à Alger. Lorsque la concurrence s'intensifie sur un marché et que la demande n'est pas très dynamique, ce qui est le cas pour l'instant en Europe, il faut faire preuve d'un minimum de souplesse tout en défendant ses intérêts nationaux et il est préférable de ne pas être le dernier à faire des concessions. Une certaine diversification géographique est par ailleurs souhaitable à terme pour profiter d'opportunités en Asie et en Amérique latine notamment. La recherche de partenariats innovants avec des compagnies étrangères est aussi une voie qu'il faut continuer à explorer. L'Algérie ne part pas battue, loin de là, car elle a de bons atouts dans son jeu, mais il faut savoir mettre ceux-ci sur la table et au bon moment.