Les firmes Total, Shell et Esso Mobil partagent le marché national avec Naftal en matière de stockage et de distribution de lubrifiants. Le secrétaire général du syndicat national de Naftal, Sid Ali Beldjerdi, a menacé, hier à partir de Annaba, d'aller très loin pour défendre son entreprise que Sonatrach, la maison mère, veut concurrencer par la création d'un réseau parallèle de distribution de carburant. «Naftal est menacée sur son terrain par Sonatrach, qui compte réaliser son propre réseau de stations-service et assurer sa gestion dans l'optique de concurrencer sa propre filiale. Pis, toutes les demandes et commandes des concurrents privés algériens et des multinationales sont satisfaites au détriment des parts de marché de Naftal. Nous n'avons nullement peur de le dire : notre entreprise est plus que jamais visée. Par les lois de la République, nous comptons aller loin, très loin même, pour faire entendre notre voix», a-t-il menacé devant un parterre composé de 150 personnes entre délégués syndicaux de l'Est et cadres gestionnaires de Naftal. Sid Ali Beldjerdi, également patron de la Fédération nationale des travailleurs du pétrole, du gaz et de la chimie, n'a pas mâché ses mots pour exprimer sa colère envers les cadres de Sonatrach auteurs de cette décision : «S'il faut sacrifier des amitiés à Sonatrach pour sauver notre entreprise, nous sommes prêts à le faire. Sommes-nous obligés de nous soumettre aux injonctions émanant de Sonatrach, un groupe qui, faut-il le souligner, n'existe pas en réalité dès lors qu'il n'est pas doté à ce jour de statut juridique ?» Le syndicat de Naftal, qui envisage une grève générale si Sonatrach persiste dans la mise en place de son propre réseau de distribution de carburant, affirme que «les prémices de cette volonté de nuire à Naftal sont annoncées, car notre entreprise est déjà menacée dans un marché stratégique comme celui de la commercialisation des lubrifiants, un créneau important pour son chiffre d'affaires». En effet, les firmes Total, Shell et Esso Mobil partagent le marché national avec Naftal en matière de stockage et de distribution de lubrifiants. Bruits de bottes et grincements de dents se font entendre en marge de cette réunion, où des «naftalistes» craignent que cette manœuvre de Sonatrach vise à privatiser leur secteur au profit de ces mêmes firmes après la création de son propre réseau. «Déjà en décembre 2007, il avait été annoncé que le géant français Total envisageait de créer, via sa filiale locale Total lubrifiants, un réseau de 200 stations-service à travers le pays en quatre ans. D'autres groupes pétroliers internationaux, comme Shell et BP, affichent également les mêmes ambitions de se greffer au marché algérien de la distribution de carburant. A l'époque, le seul problème qui se posait concernait la hausse de la marge accordée aux distributeurs étrangers. En effet, la marge accordée sur le gasoil ne permet pas aux firmes étrangères la création de réseaux de stations-service aux normes internationales puisque la moitié du parc automobile local est composé de véhicules à motorisation diesel», affirme une source proche du dossier. La même source ajoute que «cette hausse de la marge au profit des distributeurs étrangers ne sera pas payée par le consommateur, elle sera prise en charge par le Fonds de régulation des dépenses publiques puisque les députés avaient rejeté, à l'époque, une augmentation du prix du diesel proposée dans le projet de loi de finances pour 2008. Mais les scandales qui ont secoué Sonatrach ont bloqué l'intégration des compagnies étrangères. Cependant, après la visite de François Hollande en Algérie, le dossier a été ouvert avec, en sus, une éventuelle exploration du gaz de schiste en collaboration avec les firmes françaises». Conscient de cette «menace», Sid Ali Beldjerdi s'est interrogé, devant ses délégués syndicaux et les cadres de Naftal de la région Est : «Devons-nous nous laisser dicter des décisions et autres orientations qui anéantissent la raison d'être et les intérêts de Naftal ? Devons-nous être témoins de la mort de notre entreprise et rédiger nous-mêmes son acte de décès ?» A ces interrogations, les présents ont répondu à l'unanimité par un niet catégorique au bradage de Naftal et menacent de recourir à une grève générale ; la mobilisation de la base ouvrière va s'étendre, après les régions du Centre et de l'Est, à Oran à l'ouest et à Ouargla au sud. Le bras de fer continue.