Dans une interview publiée dans l'édition d'hier du quotidien français Le Monde, l'ex-numéro 2 du parti dissous, s'en est pris violemment à la charte et a multiplié les déclarations provocatrices à l'égard des institutions de la République. L'interdiction faite aux initiateurs de la tragédie nationale de revenir sur le devant de la scène politique, Ali Benhadj n'en a cure, preuve en est l'interview accordée au quotidien Le Monde. Elargi à la faveur des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, le cofondateur du FIS dissous dénonce la légitimité même de la loi qui l'a sorti de prison. Il ne lui reconnaît aucune “légitimité” constitutionnelle. “Les consultations sont truquées. Lors du référendum, seuls les proches du système ont eu accès à la télévision, et il n'y a pas eu de débat. C'était à prendre ou à laisser. La charte nous a été imposée”, soutient-il faisant fi à la fois du choix populaire et des félicitations des instances internationales quant à la transparence du suffrage. “Comment ose-t-on parler de réconciliation nationale alors que nous vivons depuis quatorze ans sous le régime de l'état d'urgence ?” déclare-t-il. Ali Benhadj, pour qui “le pouvoir est illégitime depuis le coup d'Etat de 1992”, remet en cause également la légitimité de la plus haute institution de l'Etat. “Ce sont les militaires qui dirigent ce pays, et la présidence de la République n'est qu'une annexe du ministère de la Défense”, précise-t-il. Une réconciliation “véritable” doit se négocier, selon lui, entre “toutes” les parties concernées. Il dira que la charte a été “imposée par les responsables du coup d'Etat (de janvier 1992) et eux seuls”. Sans ambiguïté aucune, il accusera les autorités civiles et militaires, qu'il qualifie de “putschistes”, d'être à l'origine de la tragédie nationale. “Les bourreaux se présentent comme des victimes… C'est le monde à l'envers.” Ali Benhadj affiche, au mépris total des dispositions prévues et portant sur l'interdiction d'activités politiques faite aux responsables du FIS dissous ainsi que sur “l'instrumentalisation” de la tragédie nationale, ses ambitions personnelles. “Personne — ni le Président, ni les décideurs militaires — ne peut m'interdire de faire de la politique !” précise-t-il. Il présente même un projet de société. “Je me bats pour un Etat algérien islamique”, avance-t-il. Interrogé sur sa responsabilité, il ne se sent pas concerné. “Si je réponds que oui, je me mens à moi-même ; si je dis que non, je me place en position défensive. Je ne me reconnais dans aucune de ces alternatives”, précise-t-il. Plus grave, Ali Benhadj appelle, ni plus ni moins, à un retour aux années 90. “Je dirai simplement que le pouvoir bafoue les droits de l'Homme, et le peuple a le droit de le combattre. Dans ce combat, il peut y avoir des dépassements.” Les autorités publiques ont à maintes reprises rappelé les dispositions de la charte. Yazid Zerhouni avait affirmé que la charte était suffisamment claire et établissait des “lignes rouges” à ne pas dépasser. Il avait assuré que “le droit sera appliqué” contre ceux qui les enfreindraient. “Ceux qui ont une responsabilité ne peuvent pas prétendre à l'activité politique”, avait précisé Zerhouni. Le Chef du gouvernement avait été tout aussi catégorique. “Pas de retour, pas d'existence, pas de place”, avait averti Ahmed Ouyahia. Le chef de l'Etat a rappelé dernièrement les responsables de l'ex-parti à l'ordre. “Je n'oublie absolument pas qui est responsable de la tragédie infernale. Nous soutiendrons ceux qui sont favorables à la réconciliation, mais nous ne serons jamais aux côtés de ceux qui tenteront de récidiver de manière directe ou indirecte”, avait assuré Abdelaziz Bouteflika. Sans y aller par quatre chemins, Abdelaziz Bouteflika a été très clair à ce sujet. “Nous avons traduit la charte par des textes. L'impudence ne doit pas gagner ceux qui ont bénéficié de la clémence du peuple”, enjoint le chef de l'Etat. L'Etat de droit tant prôné par Abdelaziz Bouteflika commence par l'application des lois de la République. La charte en premier. Samar Smati