Deux affaires des plus inédites passeront mercredi et jeudi prochains au tribunal administratif et à la chambre civile près la cour d'Alger. Actionnées par l'ex-magistrat Abdellah Haboul, ces affaires concernent Tayeb Belaïz, en tant que personne, poursuivi pour «faute professionnelle», ainsi que cinq magistrats du Conseil d'Etat, qui doivent répondre du délit de «fraude, dol et faute professionnelle». Fait inédit dans les annales de la justice algérienne. L'ex-ministre de la Justice, Tayeb Belaïz (actuellement président du Conseil constitutionnel), ainsi que 5 magistrats du Conseil d'Etat devront comparaître pour le premier demain devant le tribunal administratif d'Alger, pour faute professionnelle, et pour les autres jeudi devant la chambre civile près la cour d'Alger pour le même délit, «aggravé de fraude et de dol». Enrôlée par le tribunal administratif, dont l'audience est prévue pour demain, la première affaire remonte à la fin de l'année 2005, lorsque Haboul avait été traduit devant le Conseil supérieur des magistrats (CSM), réuni en session disciplinaire, pour «retard dans les cours d'informatique, à l'audience et dans les motivations des jugements». Devant les 17 membres de cette haute instance, il fait l'objet d'insultes de la part de l'inspecteur général, Ali Badaoui, qui intervenait en qualité de représentant de Tayeb Belaïz, alors ministre de la Justice. Se sentant touché dans sa dignité, Haboul introduit une plainte auprès du ministre qui, selon l'article 29 du statut de la magistrature, est tenu de protéger les juges de toute insulte ou atteinte à leur intégrité physique ou morale. Aucune réponse n'a été accordée à cette plainte, en dépit d'une lettre de rappel déposée deux ans après. L'ancien ministre devrait comparaître pour faute professionnelle Six années plus tard, ayant constaté qu'aucune enquête administrative n'a été diligentée par le ministre, l'ancien magistrat dépose une plainte contre le ministre en tant que personne morale, pour faute de service et en tant que personne physique pour faute professionnelle, devant le tribunal administratif. Enrôlée, l'affaire a été programmée pour l'audience de demain durant laquelle, en vertu du code de procédure civile, le juge aura à faire la lecture du rapport avant que les avocats des parties ne fassent leurs plaidoiries. Liée à celle-ci, la seconde affaire est programmée à l'audience de jeudi prochain au niveau de la chambre civile près la cour d'Alger. En effet, les faits remontent eux aussi à 2005, lorsque Haboul, ayant reçu la décision de mutation d'office rendue par le CSM à son encontre, a saisi le Conseil d'Etat demandant son annulation. Son adversaire, en l'occurrence le ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, s'est défendu en disant que les décisions du CSM ne sont pas susceptibles d'une demande d'annulation, mais plutôt d'un recours en cassation. Il présente un cas de jurisprudence n°19 886, traité par le Conseil d'Etat, et demande un rejet du recours en la forme. Haboul réplique en affirmant que ce cas de jurisprudence n'a pas été joint au dossier et n'a jamais été publié, mais les cinq magistrats du Conseil — Sayad Lakhdar Fafa, actuellement présidente du tribunal administratif d'Alger qui devra trancher l'action de Haboul contre l'ex-ministre Tayeb Belaïz, Bouarroudj Farida, Ada Djelloul Amhamed, Ghanem Farouk et Fergani Atika) — tranchent le litige en juin 2007, à travers une décision qui déclare irrecevable le recours en la forme, mais en citant une jurisprudence portant cette fois-ci le numéro 16 886. Encore une fois, Haboul exige une copie de celle-ci non seulement au greffier en chef du Conseil d'Etat, mais également à la présidente de cette juridiction. Mais six ans après, aucune réponse ne lui a été donnée. Pour l'ancien magistrat, soit cette jurisprudence n'existe pas, soit son contenu n'est pas celui cité par le Conseil. Selon lui, dans les deux cas, les magistrats «ont commis une faute professionnelle très grave, une fraude et un dol». De ce fait, «ils ont violé les articles 8 et 9 du statut de la magistrature et l'article 26 de l'ancien code civil. Leur responsabilité personnelle est engagée». A travers sa plainte, Haboul veut des dommages tel que garanti par l'article 150 de la Constitution en cas où un justiciable est victime d'une dérive ou d'un abus de la part d'un juge. En juillet 2011, en l'absence des mis en cause, le tribunal civil de Bir Mourad Raïs a rejeté la plainte sous prétexte qu'elle n'était pas fondée. Le plaignant fait appel. En décembre 2012, l'affaire a été enrôlée au niveau de la chambre civile près la cour d'Alger et l'audience est programmée pour jeudi prochain. La décision a été notifiée aux cinq magistrats. La question qui reste posée est de savoir si durant les deux audiences de mercredi et de jeudi les mis en cause, à savoir l'ex-ministre de la Justice, Tayeb Belaïz, et les 5 magistrats du Conseil d'Etat répondront aux convocations de la justice ou se mettront-ils au-dessus de celle-ci ?