La communauté chiite irakienne était hier à l'écoute de ses leaders, principalement le chef du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII) Abdelaziz Hakim au lendemain du triple attentat visant une mosquée chiite de Baghdad, et qui a fait près de 80 tués et 164 blessés. Dans la même journée, l'Administration Bush insistait sur les « progrès » réalisés en Irak dans un rapport d'évaluation sur la situation dans ce pays remis vendredi au Congrès par le département d'Etat. Le document du gouvernement américain contraste bien entendu avec la violence quotidienne qui fait rage en Irak, trois ans après l'invasion du pays par les Etats-Unis. Cela contraste aussi avec les analyses fondamentalement pessimistes quant à l'avenir de l'Irak. On n'hésite plus en effet à parler d'affrontements interethniques, et l'ancien Premier ministre Iyyad Allaoui n'a pas hésité à parler de guerre civile. En ce qui concerne l'attentat de vendredi qui n'est pas le premier du genre, l'imam de la mosquée visée, cheikh Jalaleddine Al Saghir, également responsable du CSRII, le principal parti chiite du pays, n'a pas hésité à en faire porter la responsabilité au Comité des ouléma, la principale organisation de religieux sunnites, et à un homme politique de cette communauté, Adnane Al Doulaïmi. Selon lui, des publications liées au Comité et à M. Doulaïmi avaient affirmé que sa mosquée était un « centre de détention et qu'il y avait même des fosses communes de sunnites ». Il a également accusé des prêcheurs sunnites d'avoir tenu des propos enflammés contre ce lieu de prière. « C'est ce qui a justifié l'acte des criminels qui ont tué atrocement des fidèles lors de la prière du vendredi », a-t-il dit. Mais les chiites ne vont pas se laisser « entraîner dans un conflit confessionnel », a-t-il assuré. Estimant que les attaques antichiites faisaient partie d'un « complot contre l'unité de l'Irak », le Comité des ouléma a pour sa part appelé les Irakiens à « une réaction historique contre l'occupation et ceux qui en profitent ». Il s'agit de la deuxième attaque antichiite en 24 heures. Dix Irakiens avaient été tués et 42 blessés dans un attentat jeudi à Najaf (centre). « Ils sont en train de perpétrer un génocide contre les adeptes de la maison du Prophète (les chiites) », a dénoncé le chef du CSRII, Abdelaziz Hakim, dans un communiqué, attribuant ces attentats à des « criminels » liés à l'ancien régime. Intervenant hier devant une foule nombreuse, Abdelaziz Hakim, promettait de « vaincre les terroristes », tout en plaidant pour l'unité avec les sunnites en vue de la formation d'un gouvernement. « Ceux qui ont commis l'attentat (de la mosquée de Bouratha) sont d'abord les ennemis des sunnites. Ils veulent attiser la haine entre chiites et nos frères sunnites, nos futurs partenaires au gouvernement. » « Les négociations pour le gouvernement avancent, il sera formé le plus tôt possible », a encore dit M. Hakim. De son côté, le Front de la concorde nationale, principal groupe politique sunnite, a condamné l'attentat de Baghdad. Le président Jalal Talabani a, quant à lui, dénoncé une « tentative pour entraver le processus politique, provoquer un conflit communautaire et faire plonger le pays dans la guerre civile ». Ces attaques démontrent « clairement qu'il y a des forces en Irak qui sont déterminées à attiser la violence interreligieuse et à exploiter les difficultés rencontrées actuellement pour former le gouvernement », a déclaré le porte-parole du secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan. De nombreuses voix se sont élevées pour condamner ces tueries. Mais cela ne règle pas le problème de l'Irak, mais comment en fait le régler ?