Dans son ensemble, la presse malienne a reconnu la "fermeté" d'Alger dans le dénouement tragique de la prise d'otages sur le site gazier d'In Amenas et voit dans cette attitude une "internationalisation" du conflit au Sahel face au terrorisme. Elle s'est également faite l'écho de la condamnation «avec la dernière énergie cette prises d'otages, acte qui confirme une fois de plus que les terroristes n'offrent d'autre choix que la possibilité pour la Communauté internationale de les combattre vigoureusement », du gouvernement malien. Toutefois, nombreux sont les journalistes maliens à critiquer l'attitude contradictoire des autorités algériennes à l'égard de la crise du Nord Mali. C'est le cas par exemple de Ramata Konaté journaliste d'investigations à la Télévision nationale malienne Office de Radiodiffusion Télévision du Mali (ORTM TV). Jointe depuis Bamako, elle nous dira « nous respectons la décision d'Alger de résoudre la question avec fermeté. Car il n est nullement bon de négocier avec les islamistes, sinon ils vont refaire la même chose prochainement. Mais la question que je me pose et que je ne comprends pas jusqu'à présent : Pourquoi l'Algérie voulait que nous, maliens, on négocie avec les islamistes? Je ne me l'explique pas car ce pays vient de prouver au monde entier qu'on ne négocie pas avec ces bandits de tout genre ». Sous le titre «Libération du nord : quel rôle pour les USA et l'Algérie ? », le quotidien malien Le Prétoire, a, dans son édition de lundi dernier, abondé dans le mêmes sens, allant, toutefois, plus loin dans ses « reproches » accablants. Son journaliste Cheikh Tandina, n'a pas mis de gant pour dire que « les Algériens, qui disent qu'il ne faut jamais négocier avec des terroristes, étaient prêts à embarquer les autorités maliennes dans des négociations avec Ansar Eddine d'Iyad Ag Ghaly qu'ils recevaient chaque fois que ce dernier en avait besoin. Les liens du chef d'Ansar Eddine avec Aqmi et Mujao étant connus de tous, nul autre élément de preuve n'est nécessaire pour établir des liens entre l'Algérie et les groupes terroristes. Même lorsque des diplomates algériens ont été enlevés et retenus en otage par Mujao, Alger n'a pas changé de position », avant d'jouter« depuis le début de la crise malienne, l'Algérie s'est montrée réticente à toute intervention de forces étrangères dans le nord malien, tout en se gardant d'aider le Mali à se débarrasser des islamistes », mettant en avant l'origine algérienne de la plupart d'entre ceux notamment revendiquant leur allégeance à la sinistre organisation d'Aqmi. Pour ce journaliste de Gao, réfugié à Bamako, l'attaque terroriste du complexe gazier d'In Amenas a assurément faussé tous les calculs des autorités algériennes «les Algériens ne s'attendaient sans doute pas à être inquiétés par les émirs du désert avec lesquels, selon plusieurs spécialistes du Sahel, ils auraient des deals. Ils leur ouvriraient des couloirs de ravitaillement en armes, vivres et carburant, entre autres, à condition que les terroristes opèrent loin de leurs frontières, mais surtout qu'ils ne s'en prennent à certains intérêts stratégiques comme le pétrole et le gaz. », a-t-il, en effet, écrit. Aux yeux du journaliste, il n'est, en outre, un secret pour personne que « des officiers supérieurs algériens auraient des accointances avec des contrebandiers d'armes et de drogue qui ont fait du nord malien et du sud algérien un sanctuaire pour le terrorisme et le crime organisé ». Quant à ce qui aurait motivé la décision de l'Algérie de donner son feu vert pour le survol de son espace aérien par l'armée française, le journaliste malien l'explique en écrivant « l'Algérie, en accordant à l'armée française le droit de traverser son espace aérien, voulait sans doute limiter à cela sa participation à l'intervention de forces internationales au Mali ». Dans ce sillage, il admettra être vrai que si les autorités algériennes ont mobilisé plus de trente mille soldats pour sécuriser leurs frontières avec le Mali, c'est bien en vue d'éviter tout reflux de terroristes vers leur territoire. Néanmoins, relèvera t-il, « cela est jugé insuffisant par la plupart des spécialistes qui jugent que l'Algérie doit s'impliquer davantage, étant la plus grande force armée sous-régionale, étant dotée du matériel et des finances nécessaires à un nettoyage du nord, ayant une grande expérience et une expertise certaine dans la lutte contre le terrorisme. Mais se cachant toujours derrière le principe selon lequel ses forces n'opèrent jamais hors de leur territoire, Alger n'a toujours pas changé de position de manière officielle». Des propos tout aussi virulents et hostiles à la position algérienne à l'égard de l'intervention militaire au Nord du Mali sont légion chez les blogueurs maliens. En témoignage : « ….l'Algérie et l'Etat algérien, qui règnent dans ce pays frère, en se cachant derrière le gouvernement civil, n'ont justement aucune envie que prenne fin la situation désastreuse dans le nord de notre pays », a écrit Oumarou Baba de Fasokan blog. Les motivations de nos dirigeants qu'il a affublés de « sécurocrates », sont, aux yeux de ce blogueur, multiples : « un dépotoir existe maintenant pour certains éléments terroristes qu'ils ne contrôlent pas ou mal, l'insécurité savamment entretenue crée une zone de non droit propice aux trafics en tout genre, elle permet également de justifier la position privilégiée et les prébendes à l'intérieur de l'Etat algérien sous prétexte de « sécurité nationale », elle permet de se poser en interlocuteur incontournable des occidentaux et enfin elle permet de flatter l'orgueil et le chauvinisme de la population, en jouant à la grande puissance régionale pour faire oublier la misère quotidienne ». Et, pour le Denis Kone, du quotidien Les Echos, nombreux sont les Maliens « qui se demandent si l'Algérie d'aujourd'hui est celle des années 58 et 60. Certes, l'Algérie a des intérêts à défendre dans cette crise, mais cette défense des intérêts ne devait pas se faire en sacrifiant celui des Maliens qu'est de chasser hors de son territoire les groupes islamistes ».