La présence de deux djihadistes canadiens parmi les assaillants de l'usine gazière d'In Amenas continue à alimenter les spéculations sur leur identité au Canada. Après avoir «convoqué» l'ambassadeur d'Algérie à Ottawa, les Canadiens ont envoyé à Alger deux policiers fédéraux de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), l'équivalent du FBI américain. Ceci démontre que ce qui a été présenté comme une convocation de l'ambassadeur algérien n'a été fait que pour les besoins de communication, car ce ne sont pas les diplomates qui s'occupent d'échanger des informations dans la lutte antiterroriste. L'enjeu est de vérifier les «passeports canadiens» mentionnés par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, en conférence de presse après la fin de l'assaut. Les deux assaillants seraient d'origine arabe, mais pas nécessairement algérienne, car ils parlaient anglais. Depuis cette annonce, les autorités canadiennes n'ont cessé d'affirmer que l'Algérie n'a pas encore donné de preuves sur l'identité canadienne de ces terroristes. «Pour ce que nous en savons, il s'agirait de faux passeports. Jusqu'à ce que nous puissions les voir, nous ne serons pas en mesure de le savoir», affirment des sources officielles canadiennes, bien qu'il soit connu que le passeport canadien est prisé par les terroristes et par beaucoup de services secrets de pays occidentaux – on se rappelle de l'assassinat du Palestinien Al Mabhouh à Dubaï. Pour Miloud Chennoufi, professeur des relations internationales au collège des forces canadiennes (Toronto), «il est d'une extrême importance de souligner que personne, absolument personne ne peut affirmer avec certitude qu'il s'agit bien de Canadiens. Maintenant, s'il s'avérait qu'ils le sont vraiment, je ne serais pas surpris, et ce, pour deux raisons. La première est que le recrutement d'éléments radicalisés peut très bien avoir eu lieu au Canada, pas nécessairement à travers un réseau local parce que cela est possible à travers internet (la radicalisation et le recrutement). La seconde raison est qu'il est possible que ces individus aient voyagé à un moment donné avec des passeports canadiens sans jamais avoir mis les pieds au Canada. Les passeports peuvent très bien être contrefaits». Le gouvernement canadien veut coûte que coûte tirer cette histoire au clair. Il ne veut surtout pas que le Canada continue à être perçu, surtout aux yeux des Américains, comme une terre d'accueil pour islamistes radicaux. «Il ne faut pas oublier que beaucoup d'Américains, dont des politiciens, continuent de croire que les auteurs du 11 septembre sont entrés aux Etats-Unis par la frontière canadienne. Ceux qui connaissent les déterminants de la politique étrangère canadienne savent que les rapports avec les Etats-Unis sont de premier ordre à cause de la place que les échanges commerciaux avec les Etats-Unis occupent dans le PIB canadien», explique l'ancien journaliste d'origine algérienne. Il ajoute : «Je crois que le gouvernement algérien aurait agi de la même manière : les implications (financières et politiques) en termes de sécurité intérieure seraient considérables s'il s'avérait que ces personnes avaient été réellement recrutées au Canada. Les implications seraient tout aussi importantes en cas de falsification de passeports. Aucun gouvernement n'aime apprendre que le passeport qu'il délivre est entre les mains de réseaux de crime organisé.» Encore plus important, pour lui, l'image de la communauté d'origine arabe : «Mais plus que tout et pour des raisons évidentes, il est dans l'intérêt de la communauté arabe et musulmane du Canada que la lumière soit faite», conclut Miloud Chennoufi.