Depuis les années 1990, des cellules djihadistes algériennes opèrent au Canada. Mais si deux Canadiens se trouvaient parmi les preneurs d'otages, Ottawa demande des preuves. «Je ne suis pas surpris par la possible présence de djihadistes canadiens dans le commando qui a attaqué l'usine gazière d'In Amenas», a affirmé à El Watan Week-end Fabrice de Pierrebourg, journaliste d'enquête au quotidien montréalais La Presse et auteur, entre autres, de Montréalistan, un livre sur la mouvance islamiste radicale à Montréal. Il rappelle que Montréal avait constitué dans les années 1990 une base arrière et un refuge pour plusieurs membres du GIA, ancêtre du GSPC et d'AQMI. «Une dizaine de ces activistes, immigrés au Québec, ont constitué la ‘cellule de Montréal'», explique le journaliste. Michel Juneau-Katsuya, ex-agent des services secrets canadiens, affirmait récemment dans les médias québécois qu'«à Montréal en particulier, une souche algérienne importante opère depuis plus d'une vingtaine d'années». Toutefois, la cellule de Montréal a été démantelée en 1999. Le coup de grâce est venu de la justice française qui, en 2001, avait condamné plusieurs de ses membres montréalais en raison de leur appartenance au «gang de Roubaix». Une bande qui avait sévi au nord de la France en commettant des attentats en 1996. L'un de ses membres célèbres a été arrêté en 1999 par les douaniers américains : il projetait de faire exploser l'aéroport de Los Angeles lors du passage à l'an 2000. Il est incarcéré dans une prison américaine jusqu'en 2032. D'autres, qui ont purgé leur peine, sont rentrés au Québec. Fabrice de Pierrebourg rapporte également dans un article du journal La Presse qu'en «2011, l'ex-juge antiterroriste français Jean-Louis Bruguière a affirmé que certains au Canada ont toujours des convictions extrémistes ou proches de l'ex-GIA algérien. Avec la montée en puissance d'AQMI, on peut être inquiets». Passeports Quand le Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal, a affirmé en conférence de presse la présence de deux citoyens canadiens parmi les preneurs d'otages, Ottawa a demandé aux autorités algériennes de lui transmettre les renseignements qui leur avaient permis d'affirmer cela. L'ambassadeur algérien en poste à Ottawa a même été convoqué par le gouvernement canadien. Car leurs passeports ne prouvent pas leur identité : dans le passé, plusieurs cas de faux passeports canadiens ont été retrouvés sur des terroristes. «Pour ce que nous en savons, il s'agit de faux passeports. Jusqu'à ce que nous puissions les voir, nous ne serons pas en mesure de le savoir», a déclaré une source gouvernementale canadienne à l'agence de presse canadienne. Selon des témoignages de rescapés, les deux supposés citoyens canadiens impliqués dans l'attaque seraient d'origine libanaise ou syrienne. La possible implication de djihadistes canadiens d'origine algérienne semble peu probable, si l'on se fie aux informations faisant état de leur «accent anglais nord-américain». La majorité des terroristes algériens réfugiés au Canada dans les années 1990 seraient francophones. Il faudrait, peut-être, chercher ces djihadistes canadiens dans le Canada anglais. Des mandats d'arrêt ont été lancés contre deux Canadiens, anciens étudiants de l'université du Manitoba, accusés de s'être entraînés avec un groupe terroriste au Pakistan en vue de commettre des attentats contre la force de l'OTAN en Afghanistan. Fabrice de Pierrebourg rappelle aussi qu'«en 2009, de jeunes Torontois se seraient joints aux terroristes somaliens shebab. L'un d'eux serait mort en martyr depuis». Dans un rapport des services secrets canadiens intitulé Menaces d'ici à 2025 et obtenu par une télévision locale, ces derniers «s'attendent à ce que de petits groupes d'extrémistes canadiens intensifient leurs activités tant dans leur pays qu'à l'étranger dans les années à venir».