L'Algérie n'a pas d'autre choix : changer pour le meilleur ou faire naufrage. C'est le résumé du rapport de l'initiative citoyenne Nabni, présenté hier au cours d'une conférence organisée à Alger. «Aujourd'hui, on est à la croisée des chemins», estime Abdelkrim Boudraâ, membre du collectif, pour qui l'Algérie est confrontée à deux scénarios possibles. Le premier est celui du «pire» ou du statu quo. Les conditions du naufrage sont d'ailleurs réunies. Le niveau de consommation de l'énergie ne cesse d'évoluer, alors que les exportations d'hydrocarbures commencent à baisser. A l'horizon 2020, l'Algérie pourrait quasiment siphonner ses réserves de change et le Fonds de régulation des recettes pourrait ne plus contenir un seul dinar d'épargne pour l'Etat. Selon ce scénario, le pays serait obligé de recourir à l'endettement extérieur pour couvrir ses importations. Plus «grave» encore serait de subir ces crises avec des «institutions affaiblies», s'inquiète-t-il. Ceci dit, il existe une voie de salut en optant pour un nouveau pacte économique et social. Dans la vision économique à l'horizon 2020, Nabni préconise «des chantiers de rupture» : rompre le cordon avec la rente, rendre le climat des affaires plus attractif, orienter les politiques sur la diversification, changer l'approche de l'emploi et de l'informel et enfin instituer la gouvernance publique. Nabni table sur une augmentation du PIB hors hydrocarbures de plus de 65% d'ici 2020 et un doublement de ce dernier d'ici 2023, un taux d'exportations hors hydrocarbures proche de 4% en 2020, une augmentation de la part de l'industrie dans le PIB passant de 6% en 2020 à 7 en 2025 et 8 en 2030. Les autres secteurs hors hydrocarbures pourraient croître de 6% par an à partir de 2015 puis de 7,3% par an à partir de 2020. Nabni vise aussi un taux d'investissement privé de 20% du PIB, un taux de chômage de 8% et un taux d'emploi de 60% en 2020. Le collectif ambitionne aussi d'atteindre une densité des entreprises proche de la moyenne des pays émergents à forte croissance, soit 20 entreprises par 1000 habitants. Dans la même vision, l'Algérie devrait se classer, en matière de climat des affaires, parmi les trois meilleurs pays du Bassin méditerranéen et les 50 meilleurs mondiaux. Le budget de l'Etat, dont la dépendance des revenus des hydrocarbures devrait être progressivement réduite : au maximum 50% du budget financés par la fiscalité pétrolière en 2020 et 20% en 2030. En outre, 75% du budget de fonctionnement sera couvert par la fiscalité pétrolière (100% en 2025). Les éventuels excédents de recettes provenant de la fiscalité pétrolière seront alloués pour un tiers à un nouveau fonds souverain pour l'avenir, le reste étant versé au Fonds de régulation des recettes. Ce dernier sera axé, de manière égale, sur l'éducation, la recherche et le savoir scientifique, et les générations futures ne pourront accéder à leur part qu'à l'horizon 2050, lit-on dans le même rapport. Il sera aussi question de créer un fonds souverain international pour gérer de manière plus rentable 10 à 20% des réserves de change. Le fonds souverain pour l'avenir aura accumulé près de 900 milliards de dinars en 2020 et plus de 3000 en 2030, d'après le rapport du collectif Nabni. D'autres gros chantiers de rupture ont été par ailleurs présentés par le collectif dans les domaines de l'éducation, de la santé et du vivre ensemble. La refonte de la gouvernance publique, talon d'Achille de l'Algérie, constitue un préalable. Il est souligné la nécessité de restaurer un Etat de droit, des institutions redevables, la mise en place d'un Etat moderne et enfin une société civile plus libre. Ce rapport sera incessamment remis, entre autres, à la présidence de la République, au Premier ministère, aux différents ministères et aux partis politiques.